Journée magnifique. Après-midi au soleil
dans le jardin. Lecture. Un ravissement...

 

Au soir, dîner ici avec F***.
Je lui fais une lecture de ma prochaine conférence...

  

Pour des raisons futiles (encore que...) que je n'ai pas envie d'exposer ici, purement conjugales (et non amoureuses, car, dans ce cas, j'en aurais parlé), j'ai été assez absent, et énervé. Quoique énervé ne soit pas tout à fait le terme puisque cette nervosité est restée très intérieure, sourde, comme étouffée... J'ai été bougon, grognon, refermé. Las. Ce malgré la journée magnifique que nous avons eue.

 

(La photo d'Irène va regagner
le dessus du piano. Fin du purgatoire...)

   

Très belle journée, à l'image de celle d'hier...

 

Journée de travail. J'ai lu.

En fin d'après-midi, j'ai pris le thé au jardin avec quelques amis de passage :
J***-M***, T***, J***, M***-M***.

 

Figurent ici plusieurs photographies d'Illiers. Je n'ai pu m'empêcher de penser aux Japonais et aux porte-clefs. Je n'ose encore y croire, je m'y refuse. Pourtant, il est possible que tu sois dans le vrai car dans quel ouvrage ai-je vu une photographie pleine page couleur du Pré Catelan ? Dans le Guide des Routes Tranquilles du Reader's Digest. Et à quel public est destiné ce genre d'ouvrage ?... Et je me suis demandé ce qui avait pu inciter ses auteurs à choisir, pour illustrer cette région de France, une vue d'Illiers. Quoi, sinon le tourisme ?... Je suis accablé. Je suis désormais sûr (tout en n'y croyant pas) qu'une baraque à frites trône à côté de la guérite où Marcel lisait durant les après-midis d'été, et que son visage orne des décapsuleurs en forme de madeleine...
Retiens-moi, je tombe...

  

Pour accompagner cette lecture (alternativement et non simultanément !), une gigantesque illumination
musicale : Samstag aus Licht, Stockhausen. C’est tout simplement prodigieux, je n'ai rien écouté
de tel depuis des années...

  

Pour clore cette journée, une rencontre amusante dans le train, la première du genre depuis bientôt deux ans que je le prends : elle s'appelle Carmela Belmonte, elle a 39 ans, elle est née à Lens, elle habite Strasbourg, elle a deux enfants dont l'un a dix-huit ans, elle vit séparée d'un bisexuel qu'elle aime et qui l'aime mais les choses en telle occurrence ne sont pas aisées, elle écrit des poèmes – l'un d'eux a été le prétexte pour venir s'asseoir à côté de moi alors que j'étais plongé dans Hocus Pocus –, elle a écrit un livre sur la bisexualité, elle essaie de se faire publier chez Gallimard ou alors aux États-Unis en italien, elle trouve que je ressemble à un acteur dont elle a oublié le nom, elle me donne 27 ans, elle me trouve de bonnes vibrations, elle m'a montré ses photos de famille, elle m'a invité chez elle à Strasbourg, elle aime bien Brel, elle trouve que la vie c'est pas facile, elle sort d'une dépression nerveuse, elle trouve que beaucoup d'Italiens se marient avec des Polonais...
Je n'avais qu'une seule idée en tête : arriver et filer !

 

À noter qu'aujourd'hui est la saint Isidore.
Comme c'est curieux...

 

Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison ; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre.

 

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