C’est alors que Firmin a constaté la disparition de son frère, et il raconte alors comment il l’a vu traverser la chaussée en courant, puis, sans ralentir son allure, passer devant l’épicerie – d’où Olive et Joseph sortaient –, puis devant la mercerie – d’où Marthe et Ida sortaient –, et ainsi remonter le trottoir d’en face jusqu’à parvenir en face de la maison, point où enfin il a consenti à traverser la chaussée pour disparaître à l’intérieur... Il a suivi tout le trajet de Serge du regard, et lorsqu’il a de nouveau posé les yeux sur Juliette et Lazare (puisqu’il s’agissait de lui), ça a été pour constater que loin d’être terminée, l’algarade ne faisait que commencer, et que loin d’être seul sur le trottoir, il était à présent entouré d’une dizaine de personnes (sorties de je ne sais où – du bar, mais aussi des maisons avoisinantes, et même d’une voiture qui s’était arrêtée au milieu de la chaussée) qui, à l’instar des autres alignées sur l’autre trottoir, et d’autres encore penchées à leur fenêtre, assistaient, médusées, fascinées, à l’incroyable bagarre qui opposait un homme à une femme, un homme inconnu – mais que certains pouvaient reconnaître comme étant ce flic désagréable et douteux qui fouinait dans le quartier depuis des semaines – et une femme que tout le monde connaissait, dont tout le monde savait l’énergie et l’autorité, la pétulance et la fermeté, mais aussi la réputation quant à sa rapacité et à la tyrannie, qu’aux dires des plus véhéments, elle exercerait sur ses propres enfants...