Incroyable bagarre, et l’on s’en souviendra longtemps, et souvent – en vérité, à chaque fois que l’on reverra Juliette dans la rue – on s’en remémorera les différentes étapes, notamment celle ultime, où l’homme, renonçant soudain, capitulant devant tant de détermination et de frénésie, a déguerpi, le visage tuméfié et griffé, la veste déchirée, a fui la harpie qui, elle-même contusionnée et rudement touchée, l’a encore poursuivi jusqu’au coin de la rue et de l’avenue, moment où a éclaté une chaude rafale d’applaudissements...

Mais cela Firmin l’ignorait. Il n’y a pas assisté, a fui dès le début de l’échauffourée dont la violence immédiate l’a proprement épouvanté. Il a suivi exactement le même chemin que son frère pour venir s’abîmer sur la chaise de la cuisine où à présent il se tait (aussi brusquement qu’il s’est mis à parler), où à présent il voit son père, sa mère et son frère qui le regardent sans parvenir à se décider à réagir, d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que par un geste, un mot, un simple mouvement de la tête ou de la main ; et il faudra pour cela l’entrée dans la pièce d’un cinquième personnage qui, bien que n’ayant pas assisté à la bagarre, a tout de même bien des choses à raconter...