Segalen part pour la Chine, 1907. Suite à ses propos
de la page 17, j'attends de voir ce qu'il va en
dire (mais l'essai est resté inachevé). En même temps, je pense à ce que je
dis, moi, des voyages, des sorties, à ce que j'en rapporte, et me demande, tout
comme Segalen, où est la part d'intérêt, d'authenticité dans ce que l'on rapporte ;
si tant est qu'il faille rapporter, et j'en suis arrivé à me demander si, au
bout du compte, l'exotisme ne serait pas à être ignoré, c’est-à-dire : je
pars pour Prague, j'en reviens, rapporte tout de mon voyage à l'exception de
Prague, justement. C'est-à-dire que j'aurais pu revenir d'ailleurs ou n'être
pas parti du tout (voir les touristes dans les antichambres d'aéroport, ou les
photos d'un lieu précis qui auraient pu être prises dans n'importe quel autre
endroit du monde). Le récit serait complètement concentré sur moi, sur ce que
j'ai fait, vu, senti, mais sans en rien détailler, ou plutôt sans ne rien
spécifier de ce que j'ai fait, vu, senti. Par exemple : au lieu d'entrer
prendre un verre au bar de l'hôtel Europa, « j'entre dans un bar prendre
un verre ; il y a un piano. » Sorte de subjectivité totale (dont parle Segalen,
du reste). Ou mieux, quoique ça soit peut-être moins intéressant et un peu
facile, truquer, brouiller les pistes (transplanter à Prague des demeures, des
monuments sis ailleurs) ou carrément inventer. En arriver à une Prague
imaginaire (mais de telle manière que personne ne puisse en contester
l'existence)…