Je l’avais tiré une heure auparavant de la souffrance : c’était l’un des plus fins (je savais que cette journée serait en grande partie consacrée au latin) et j’étais aussi très curieux d’aborder, après L’Exotisme, un écrit achevé de lui. J’ai eu besoin d’un marque-pages. J’ai eu la flemme de me lever et ai donc tiré du Modiano celui qui n’était entaché que d’une seule formule. J’y ai aussitôt noté : p. 16 l’Imaginaire etc., puis, dans la foulée, SUARÈS dont le style me semblait très proche de celui que j’étais en train de découvrir (et qui n’est pas celui de L’Exotisme, ou alors en développé – couché ?). Ça se confirme par la suite, comme se confirme ce que j’avais écrit précédemment, à savoir que l’admirable de L’Exotisme provenait du fait qu’il s’agissait de notes, de réflexions, de jets, d’ébauches et qu’il ne pouvait sans doute y avoir de meilleur livre sur la notion de voyage. Ici, Segalen va en Chine et développe. Il écrit, rédige. Évidemment, ça ne ressemble à rien de ce que je pouvais attendre d’un journal de voyage, et en ce sens Segalen est fidèle à lui-même ; en même temps, il conte, raconte, fleurit et, quoi qu’il en soit, nous sommes bien en Chine (et j’ai été très déçu à l’apparition du premier nom propre, Shanghai, qui tout à coup redonnait des airs de guide à ce qui, jusqu’à ce moment-là, prenait des allures d’envolée vers des terres indéterminées et intangibles dont la seule réalité dans les esprits était la simple mention du mot « Chine », et ainsi j’aurais pu être confronté à un texte (inachevé)

 

13 mai 2002