En couverture de ce livre de
poche figure le jeu Snakes & Ladders auquel l’auteur compare le catholicisme et
ses dogmes, ses lois, ses préceptes, c'est-à-dire un jeu, une compétition où les
places au paradis sont à gagner. Il en parle, avec l’humour qui convient (et qui
lui convient si j’en crois sa réputation et le seul livre de lui que j’ai lu –
Paradise
news) comme s’il
s’agissait de quelque rite extra-terrestre ; c’est du reste ainsi qu'Éléonore
voit les choses, estomaquée face à la notion de paradis et d’enfer, de
confession, d’Immaculée Conception, de souffrance (celle du Christ en croix, par
exemple, image et concept qu’elle regarde avec une horreur infinie), elle qui
n’est en rien protestante, mais a ce qu’il faut de lucidité, de bon sens et
d’humanité pour ne voir en ces choses que des fariboles totalement dénuées de
sens. Elle a vécu vingt ans dans un monde loin de cette idée constante – du
moins en matière de religion – de gratification, de récompense, de châtiment, de
punition, de péché et de toute l’imagerie qui l’accompagne. En ce qui me
concerne, il s’agit de mon monde : l’église, le catéchisme, la prière à genoux
et face à la croix jusqu’à dix ou douze ans, une croix, symbole de l’affaire,
que l’on retrouvait dans toutes les maisons de ce monde et à laquelle, je pense,
il ne serait venu à l’idée de personne d’associer le terme d’horreur (à moi
moins qu’à tout autre qui n’y voyais qu’un objet en plastique ou en bois qui
n’avait pas la moindre signification – ou celle d’un élément de décor – et dont
la fonction première était d’être le porte-parole, ou le représentant, de la
société des parents). Car il s’agit d’horreur : un homme est saisi et, par les
mains et les pieds, cloué sur une croix, croix que l’on dresse ; homme à qui, de
surcroît, l’on enfonce sur le crâne une couronne d’épines en guise de dernier
chef et que l’on achève d’un coup de fer de lance dans le flanc. Image d’une
religion née d’un bain de sang et d’une scène d’épouvante. Fiction qui plus est,
puisque l’on sait que les crucifiés n’étaient qu’attachés, puisque l’on sait (et
l’on peut, sans le savoir, le deviner sans gros effort de réflexion) qu’une
telle position est « matériellement » impossible ; qu’un homme placé dans une
telle position et suivant les lois élémentaires de la pesanteur (à moins qu’on
ne lui fiche un dernier clou sous la mâchoire afin de conférer à sa tête un port
fier et droit), n’attendrait pas une seconde pour laisser aller tout son corps
qui, dès lors, ne serait plus qu’une chose molle, informe, disloquée et flasque
qu’à grand peine et finalement vainement, la chair des mains tenterait de
retenir avant d’être déchirée, arrachée, tant, à l’image du reste du corps, elle
se révèle faible. À moins qu’à l’instar de la vierge franckowienne
de la chapelle Sixtine, il ne soit couché et que, pour des besoins de prestige
et d’élégance (pourquoi pas), bref : de scénario, on l’ait redressé…