189 : « Le son de sa voix me fit voir ses larmes ; elles eurent la force de m’émouvoir […]. »
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937 : « Le son de sa voix me fit voir ses larmes qui m’énervèrent […]. »
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190 : « Le comte disait que le plus sage parti était celui de rester où nous étions, car il prévoyait la fuite impossible et le danger d’y laisser la vie évident. Il dit que la déclivité du toit […]. »
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« Le comte avec une gravité de soixante et dix ans me disait que mon plus sage parti était celui de ne pas aller en avant, car l’impossibilité de descendre du toit était évidente, comme le danger qui pouvait me coûter la vie. Je lui ai dit avec une voix douce que ces deux évidences ne me paraissaient pas évidentes ; mais comme il était avocat de son métier, voilà la harangue par laquelle il prétendit de me convaincre. Ce qui l’animait étaient les deux sequins que j’aurais dû lui rendre s’il m’avait persuadé à rester. – La déclivité du toit, me dit-il […]. »
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193 : « Soradaci, sans me répondre, courut vite dans mon cachot, et en quatre voyages porta au comte tous mes livres, qui me dit qui les tiendrait en dépôt, ne me répondant rien lorsque je lui ai dit que je serais bien plus satisfait de les lui vendre pour cinq ou six sequins. L’avare est toujours méprisable, mais il y a des cas où l’humanité doit lui par-donner. Une centaine de sequins que peut-être ce vieillard possédait était la seule consolation qu’il avait dans sa prison. Il est cependant vrai que si j’eusse prévu que sans son argent ma fuite me serait devenue impossible, ma raison m’aurait forcé à faire taire le sentiment qui dans ce cas-là serait devenu faiblesse. »
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939 : « Il m’obéit dans l’instant. Mes livres valaient cent écus pour le moins. Le comte me dit qu’il me les rendrait à mon retour. – Soyez sûr, lui répondis-je, que vous ne me reverrez plus ici, et que je suis bien aise que ce lâche n’ait pas le courage de me suivre. Il m’embarrasserait, et d’ailleurs le lâche n’est pas digne de partager avec le père Balbi et moi l’honneur d’une si belle fuite. N’est-ce pas ? mon brave camarade, dis-je au moine, autre lâche que je voulais piquer d’honneur. – C’est vrai, me répondit-il, pourvu que demain il n’ait pas raison de se féliciter. »
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« J’ai demandé au moine […]. »
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« J’ai alors demandé au comte […]. »
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194 : « Il supplie qu’on lui rende, s’il est repris, tout ce qui lui appartient et qu’il le laisse dans le cachot qu’il a violé. »
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940 : « Il supplie qu’on lui rende, s’il est repris, tout ce qui lui appartient et qu’il laisse dans le cachot qu’il a vidé. »
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195 : « Mais il était temps de partir. Le père Balbi ne parlait pas. Je m’attendais à l’entendre se dispenser aussi de me suivre, et cela m’aurait désespéré, mais il vint. J’ai lié à son cou […]. »
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« Mais il était temps de partir. On ne voyait plus la lune. J’ai lié au cou du père Balbi […]. »
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Suit ce qui sera les derniers mots du
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« Tous les deux en gilet, nos chapeaux sur la tête, nous sortîmes par l’ouverture […]. »
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« Tous les deux en gilet, nos chapeaux sur la tête, nous allâmes à l’aventure. »
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(La rime est-elle innocente ?)
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200 : « J’ai poussé mon esponton dans le châssis qui entourait la grille et je me suis déterminé à le détruire et à l’enlever tout entière. »
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943 : « Étendu sur mon ventre jusqu’au cou, la tête penchée vers la petite grille, j’ai poussé mon verrou dans le châssis qui l’entourait, et je me suis déterminé à le briser pour l’enlever tout entière. »
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202 : « Il me dit qu’il se trouvait sur un pavé de plaques de plomb. Le conseil qu’il me donna de là-bas, et que je n’ai pas suivi, fut d’y jeter les paquets de cordes. Resté tout seul dans l’embarras, je me suis bien repenti d’avoir trop tôt cédé au mouvement d’indignation qui me poussa à le descendre. »
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945 : « Il me dit que je pouvais jeter dedans les cordes ; mais je n’ai eu garde de suivre ce sot conseil. »
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207 : « Réduit à une destitution totale de force de corps et d’esprit, j’ai cru de céder non pas à la force du sommeil, mais à une charmante mort. L’assoupissement le plus doux s’est emparé de tout mon individu. »
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947 : « [...], et dans une destitution de force de corps et d’esprit, un très doux assoupissement s’est emparé de tout mon individu ; je me suis si invinciblement endormi que j’ai cru de consentir à la mort, et quand même j’aurais été sûr que c’était elle, je ne m’y serais pas refusé, car le plaisir que j’ai ressenti en m’endormant était incroyable. »
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« Il me dit qu’onze heures venaient de sonner [...]. »
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« Il me dit que douze heures venaient de sonner [...]. »
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208 : « [...] rendu ma vigueur. Il me dit qu’il commençait à désespérer de mon réveil, puisque tous ses efforts consistants en cris et en secousses avaient été vains depuis deux heures. J’en ai ri en me réjouissant beaucoup de voir que l’endroit où nous étions n’était plus si obscur : les crépuscules du nouveau jour entraient par deux lucar-nes. »
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948 : « [...] rendu toute ma vigueur, et j’étais enchanté de voir un peu diminuée l’obscurité du grenier. »
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« Ce lieu doit avoir une issue ; allons briser tout ; nous n’avons point de temps à perdre. »
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« Ce lieu n’est pas une prison, il doit avoir une issue simple qu’on peut facilement trouver. »
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« Après trois ou quatre secousses je
l’ai ouverte et j’ai vu une petite chambre suivie d’une galerie à niches
remplies de cahiers : nous étions dans l’archive. J’ai vu un escalier,
que j’ai vite descendu, et nous trouvâmes un cabinet pour les nécessités
naturelles. J’en ai descendu un autre, au bout duquel une porte de
vitres me laissa l’entrée libre dans la chancellerie ducale. Je me suis
alors hâté de retourner sur mes pas pour aller prendre mon paquet que
j’avais laissé sous la lucarne. J’ai repris tout et, rentrant dans la
petite chambre, j’ai vu une clé sur une commode. J’ai pensé que ce
pouvait être la clé de cette porte ; j’ai voulu voir si j’en avais gâté
la serrure. J’ai essayé et l’ai parfaitement refermée et remis la clef à
la même place. Toutes ces diligences ne furent pas nécessaires, mais je
les croyais telles ; il me semble de devoir narrer tout.
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« Après trois ou quatre secousses, je l’ouvre, je vois une petite chambre, et je trouve une clef sur une table. J’essaye la clef à la porte, et je vois que je la referme. Je l’ouvre, et je dis au moine d’aller vite prendre nos paquets, et d’abord qu’il me les remit je referme la petite chambre, et je me trouve dans une galerie à niches remplies de cahiers. C’étaient des archives. Je trouve un escalier de pierre court et étroit, et je le descends ; j’en ouvre un autre qui avait au bout une porte à vitres ; je l’ouvre, et je me vois à la fin dans une salle que je connaissais ; nous étions dans la chancel-lerie ducale. J’ouvre une fenêtre, et je vois qu’il me serait facile de descendre, mais je me serais trouvé dans le labyrinthe des petites cours qui entourent l’église St-Marc. Dieu m’en garde. »
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209 : « Si j’eusse trouvé cette somme je l’aurais prise sans croire de commettre un vol : j’étais dans une situation où je devais reconnaître tout de la providence de Dieu. La nécessité est une grande maîtresse qui instruit l’homme de tous ses droits. »
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949 : « Je regarde si je trouve la somme, mais elle n’y était pas. Dieu sait avec quel plaisir que je m’en serais emparé, et comme je me serais moqué du moine s’il avait osé me dire que c’était un vol. Je l’aurais pris pour un don de la Providence, et outre cela je m’en serais emparé en force du droit de conquête. »
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211 : « [...] et j’ai ouvert sans nulle difficulté la porte qui était au bout du second : sa serrure était de celles qu’on appelle à Venise a la tedesca, que pour ouvrir par dehors il faut la clé et qu’on ouvre par dedans en tirant un ressort. Je me suis vu dans l’allée où il y a la grande porte de l’escalier royal et à son côté le cabinet du président de la guerre, qu’on appelle savio alla scrittura. »
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950 : « [...] et j’ai ouvert sans nulle difficulté la porte qui donne dans l’allée où il y a la grande porte de l’escalier royal, et à son côté le cabinet du Savio alla scrittura. »
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212 : « [...] et que c’était à Dieu à faire le reste. Je ne sais pas, lui dis-je [...]. »
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« [...] et que c’était à DIEU ou à la Fortune à faire le reste : Abbia chi regge il ciel cura del resto O la fortuna se non tocca a lui – Je ne sais, lui dis-je [...]. »
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« Douze heures sonnèrent alors. »
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951 : « Treize heures sonnèrent. »
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« L’affaire importante qui m’occupa pour une demi-heure, tandis que le moine délirait, fut celle de me changer de tout. »
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« L’affaire importante qui m’occupa d’abord fut celle de me changer de tout. »
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213 : « [...] et j’ai jeté derrière la porte tout le reste. »
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« [...] et j’ai jeté derrière un fauteuil mes culottes et ma chemise déchirée et tout le reste. »
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« Ma figure, remarquable par le brillant
d’un chapeau à point d’Espagne d’or, et par un plumet blanc, fut
observée par des fainéants qui étaient dans la cour du palais, que j’ai
vu me fixer et qui apparemment cherchaient à comprendre comment
quelqu’un pouvait se trouver là à une heure pareille et dans un tel
jour. Je me suis d’abord retiré, bien repenti de mon imprudence ; je me
suis jeté sur un siège, plongé dans la plus grande tristesse. J’ai su,
six mois après, que cette imprudence fut la cause de mon bonheur. On est
allé dire à l’homme qui avait les clefs de ces lieux qu’il y avait du
monde qui devait y avoir passé la nuit et qu’apparemment il devait avoir
enfermé lui-même sans le savoir, chose qu’il conçut possible, car il
fermait tard, et quelqu’un pouvait s’y être endormi. Cet homme, qui
s’appelait Andreoli, et qui existe encore aujourd’hui, se crut en devoir
de courir d’abord pour voir qui étaient ceux qui par son inadvertance
devaient avoir passé une fort mauvai-se nuit.
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« Ainsi paré, mon beau chapeau à point d’Espagne d’or et à plumet blanc sur la tête, j’ai ouvert une fenêtre. Ma figure fut d’abord remarquée par des fainéants qui étaient dans la cour du palais, qui ne comprenant pas comment quelqu’un fait comme moi pouvait se trouver de si bonne heure à cette fenêtre allèrent avertir celui qui avait la clef de ce lieu. L’homme crut qu’il pouvait y avoir enfermé quelqu’un la veille sans s’en apercevoir, et étant allé prendre ses clefs il vint. Je n’ai su cela qu’à Paris cinq ou six mois après. Fâché de m’être fait voir à la fenêtre je m’étais assis près du moine qui me disait des impertinences, lorsque j’ai entendu un bruit de clefs, et de quelqu’un qui montait l’escalier royal. »
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215 : « Pourquoi, lui dis-je, n’y êtes-vous pas allé tout seul ? et il me répondit qu’il n’a pas eu la cruauté de m’abandonner. Je lui ai prouvé que ce qu’il appelait à cette occasion-là sentiment de religion n’était que lâcheté pure et il ne m’a jamais pardonné ce raisonnement : il est vrai que j’aurais pu le lui épargner, mais le fait est qu’au fond je ne pouvais pas souffrir ce mauvais être... L’immunité que je cherchais [...]. »
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952 : « – Pourquoi n’y êtes-vous pas allé tout seul ? – Parce que je n’ai pas eu le cœur de vous abandonner. L’immunité que je cherchais [...]. »
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216 : « [...] : appelle un autre rameur. Ce rameur accourut dans l’instant et empoigna sa rame pendant que l’autre, maître de la gondole, me demandait où je voulais aller. J’ai répondu alors à haute voix, charmé que cinquante barcaroli étaient là à écouter, toujours curieux : je veux aller à Fusina et si tu vogueras bien vite, je te donnerai un philippe. C’était lui donner plus que le tarif. Le philippe était une monnaie espagnole, qui valait la moitié d’un sequin : on n’en voit plus. Après avoir donné cet ordre, je me suis jeté nonchalamment sur le coussin du milieu [...]. »
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953 : « – Je veux aller à Fusina, appelle vite un autre homme. L’autre homme entra d’abord ; je me jette nonchalam-ment sur le coussin du milieu [...]. »
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« La figure comique de ce moine [...]. »
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« La figure de ce moine [...]. »
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« [...] : crois-tu que nous serons à Mestre avant quatorze heures ? J’avais entendu sonner treize heures lorsque Andreoli ouvrait la grande porte. Le barcarol me répondit que je lui avais ordonné d’aller à Fusine et je lui ai répondu qu’il était fou, puisque à Fusine je n’avais rien à faire. Le second barcarol me confirma que j’avais ordonné à Fusine et appela en témoin le père Balbi, qui me dit avec un visage à faire pitié qu’il avait une conscience et qu’il devait donner raison aux barcaroli. Je me rends, dis-je, avec un grand éclat de rire, je n’ai pas dormi cette nuit et il se peut que j’aie dit à Fusine ; c’est à Mestre que je veux aller. – Et nous, répondit le barcarol, irons à Mestre, et même en Angleterre, si vous voulez ; mais si vous ne m’eussiez pas demandé si nous y serons avant quatorze heures, vous seriez resté bien attrapé, car nous allions à Fusine. Oui, oui, Monsieur, nous y serons, car nous allons à seconde d’eau et de vent. »
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« – Crois-tu que nous serons à Mestre avant quatorze heures ? – Vous m’avez dit d’aller à Fusina. – Tu es fou ; je t’ai dit à Mestre. L’autre barcarol me dit que j’avais tort ; et le père Balbi bon chrétien, zélé pour la vérité, me dit aussi que j’avais tort. Je donne alors dans un éclat de rire, convenant que je pouvais m’être trompé mais que mon intention était d’ordonner à Mestre. On ne réplique pas. Mon gondolier me dit qu’il est prêt à me conduire en Angleterre. – Nous serons à Mestre, me dit-il, dans trois quarts d’heure, car nous allons à seconde d’eau et de vent. »
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218 : « Je suis entré dans l’écurie, disant que je voulais aller d’abord à Treviso, et le maître de deux chevaux, que j’ai jugés bons, m’ayant dit qu’il me servira dans une calèche fort légère en cinq quarts d’heure, je lui ai accordé quinze livres et je lui ai dit d’atteler d’abord, ce qu’il fit en n’employant que deux minutes. »
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954 : « Je suis entré dans l’écurie, et ayant vu que les chevaux étaient bons, j’ai accordé au voiturier ce qu’il me demanda pour être en cinq quarts d’heure à Treviso. »
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219 : « Je vole tout seul dans la grande rue, je parcours les arcades, je m’avise de mettre la tête dans un café et je le vois assis près du comptoir prenant du chocolat avec toute sa commodité, en causant avec la servante. Il me voit, et il me dit : asseyez-vous et prenez du chocolat aussi, puisque vous devez le payer. – Je n’en veux pas, lui dis-je, avec l’angoisse au cœur, et je lui serre le bras avec une telle rage que huit jours après il en avait encore la marque noire. Il ne me répondit rien ; il me voyait trembler de colère. J’ai payé et nous sortîmes pour aller à la voiture, qui m’attendait à la porte de l’auberge. »
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« [...] ; je parcours les arcades de la grande rue, je m’avise d’introduire ma tête dans un café, et je le vois au comptoir debout prenant du chocolat, et causant avec la servante. Il me voit, il me dit qu’elle est gentille, et il m’excite à prendre aussi une tasse de chocolat ; il me dit de payer parce qu’il n’avait pas le sou. Je me possède, et je lui réponds que je n’en veux pas, lui disant de se dépêcher, et lui serrant le bras de façon qu’il a cru que je le lui avais cassé. J’ai payé il me suivit. Je tremblais de colère. Je m’achemine à la voiture qui m’attendait à la porte de l’auberge [...]. »
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« [...] comment ici, Monsieur ! Je suis bien charmé de vous voir : vous vous êtes certainement sauvé des Plombs ; j’en suis bien aise ; contez-moi comment vous avez pu faire ce prodige. Je me possède ; je lui réponds en riant qu’il me faisait trop d’honneur, et que j’étais en liberté depuis deux jours. Il me répond net que cela n’était pas vrai, puisqu’il avait été dans le jour précédent dans un endroit où il l’aurait su. »
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955 : « – Comment ici, monsieur, je suis bien charmé de vous voir. Vous venez donc de vous sauver. Comment avez-vous fait ? – Je ne me suis pas sauvé, monsieur, mais on m’a donné mon congé. – Cela n’est pas possible, car hier au soir j’étais à la maison Grimani à S. Pole, et je l’aurais su. »
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