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142 : « Il m’ordonne de vous dire que vous êtes le maître de disposer de tous ses livres, dont vous trouverez le catalogue dans le dossier, et nous vous recommandons les plus grandes précautions pour que Laurent ne parvienne jamais à découvrir notre correspondance, s’il vous plaira que nous l’entretenions. L’uniformité de notre idée de placer des billets dans le derrière des livres me parut singulière et singulière la recommandation de précaution, tandis que sa petite lettre était entre une feuille et l’autre, où Laurent l’aurait d’abord trouvée s’il eût ouvert le livre. Il est vrai qu’il ne savait pas lire ; mais naturellement il aurait gardé la lettre et aurait été chercher quelqu’un qui lui en aurait déclaré le contenu et notre correspondance aurait fini en naissant. J’ai d’abord décidé que le père Balbi devait être un personnage auquel je ne devais céder qu’à l’égard de sa naissance et à cause de son sacré caractère. »

 

912 : « Il m’ordonne de vous dire que vous êtes le maître de disposer de tous ses livres, dont vous trouverez le catalogue dans le creux de la reliure. Nous avons besoin, Monsieur, de toutes les précautions pour cacher à Laurent notre petit commerce.
      L’uniformité de notre idée de nous envoyer le catalogue, et l’autre de placer un écrit dans la cavité au dos du livre ne me surprit pas, car la chose me parut dépendante du sens commun ; mais la recommandation de la précaution me parut singulière tandis que la lettre qui disait tout était volante. Laurent non seulement pouvait, mais devait ouvrir le livre, et voyant la lettre, et ne sachant pas lire, il l’aurait mise dans sa poche pour se la faire lire en italien par le premier prêtre qu’il aurait trouvé dans la rue, et tout aurait été découvert dans sa naissance. J’ai d’abord décidé que ce père Balbi devait être un franc étourdi. »

 

143 : « Je leur ai dit mon nom ; je leur ai écrit l’histoire de ma détention et l’espoir que j’avais de sortir bientôt, car je ne pouvais être là que pour des bagatelles. Je ne leur ai rien dit de la fraction du pavé. J’ai envoyé un livre le lendemain et j’en ai reçu un autre, où j’ai trouvé une lettre du père Balbi de seize pages. »

 

912 : « [...] je leur ai écrit qui j’étais, comment j’avais été arrêté, l’ignorance dans laquelle j’étais de mon crime, et l’espérance que j’avais d’être bientôt renvoyé chez moi. À la réception d’un nouveau livre le père Balbi m’écrivait une lettre de seize pages. »

 

« Il était sous les Plombs depuis quatre ans parce qu’il avait eu plusieurs bâtards qu’il avait voulu reconnaître pour ses fils naturels en les faisant baptiser sans aucune réserve sous son nom. »

 

« Il était sous les plombs depuis quatre ans parce qu’ayant eu de trois pauvres filles, toutes pucelles, trois bâtards, il les avait fait baptiser en leur donnant son nom. »

 

Ajout dans Histoire de ma vie, puis changement jusqu’à la fin du paragraphe :

 

« [...] il disait que, sachant en conscience que ses enfants étaient de lui, il ne pouvait pas les frustrer des avantages qu’ils pouvaient retirer de son nom et qu’un homme d’honneur ne pouvait envoyer à l’Hôtel-Dieu (qui à Venise s’appelle la Pietà) que ceux nés d’inceste, dont la qualité connue pouvait causer du scandale. Il ajoutait que trois mères de ces enfants, quoique pauvres et obligées pour vivre à faire le métier de femmes de chambre, étaient respectables, parce qu’on ne pouvait rien dire contre leurs mœurs avant qu’elles ne l’eussent connu et que l’erreur que l’amour leur avait fait commettre avec lui étant devenue notoire, le moindre dédommagement qu’il leur devait était celui de reconnaître pour siens les fruits de leur commerce pour empêcher la calomnie de les attribuer à d’autres. Il finissait par dire qu’il ne pouvait pas démentir la nature en agissant autrement qu’en père. Après avoir dit beaucoup de mal de son supérieur, il ajoutait qu’il n’y avait point de risque qu’il pût jamais devenir coupable de la même faute, parce que sa tendresse pieuse ne se déclarait que vis-à-vis de ses écoliers qui étaient les objets de toutes les atten-tions. »

 

« Il me disait qu’étant sûr que ces bâtards lui apparte-naient, il ne pouvait les frustrer des avantages qu’ils pouvaient retirer de son nom ; et que leurs mères étaient respectables quoique pauvres, car elles n’avaient connu, avant lui, aucun homme. Il concluait que sa conscience l’obligeait à reconnaître publiquement pour siens les enfants que ces honnêtes filles lui avaient donnés pour empêcher la calomnie de les attribuer à d’autres, et que d’ailleurs il ne pouvait pas démentir la nature et les entrailles de père qu’il se sentait en faveur de ces pauvres innocents. Il n’y a pas de risque, me disait-il, que mon Supérieur devienne coupable de la même faute, puisque sa tendresse pieuse ne se déclare que vis-à-vis de ses écoliers. »

 

(144-912 : paragraphe légèrement différent ; je ne le reproduis pas…)

 

150-151 : « Je lui ai alors écrit que je penserais au moyen de lui envoyer le véritable instrument que je possédais pour rompre, qui n’était pas un couteau [...]. »

 

916 : « Je lui ai alors écrit que j’avais une barre de fer pointue de la longueur de vingt pouces [...]. »

 

Puis changements notables jusqu’à la fin du paragraphe :

 

« [...] j’en sortirais et pour lors, me trouvant avec lui et avec le comte, nous romprions le grand toit du palais, soulèverions les plaques de plomb et que, dès que nous serions sur le grand toit, celle de descendre pour nous trouver libres dans les rues de Venise serait mon affaire. Il me répondit qu’il était prêt à tout, mais que j’allais entreprendre un ouvrage impossible, et ici avec cent mais il me faisait l’énumération des impossibilités qui rigoureu-sement n’étaient que des difficultés. Je lui ai répondu que j’étais sûr de mon fait et que, s’il voulait se sauver avec moi, il n’avait qu’à commencer à exécuter mes instructions, dont la première était de faire acheter par Laurent quarante à cinquante images de saints sur papier et, sous prétexte de dévotion, d’en couvrir toutes les cloisons du cachot et avec les plus grandes le plafond et que je ne lui dirais pas davantage que lorsqu’il aurait exécuté cette première commission J’avais reconnu qu’il m’était nécessaire d’en agir ainsi avec cet homme qui ne savait faire l’habile vis-à-vis de moi que par des raisonnements dont le fond n’était que timidité et obstacles que, selon mon calcul, il fallait brusquer. Il les mettait en ligne de compte ; c’était le vrai moyen de se déterminer jamais. »

 

Il me répondit que lorsqu’il m’aurait tiré dehors du cachot je serai tout de même en prison qui ne diffèrera de la première que dans la grandeur. Nous nous trouverons, m’écrivait-il, dans les galetas sujets encore à trois portes à clefs. Je le sais, mon révérend père, lui répondis-je, et aussi ce n’est pas par les portes que je veux que nous nous sauvions. Mon plan est fait, et j’en suis sûr, et je ne vous demande plus qu’exactitude dans l’exécution, et point d’objections. Pensez seulement au moyen fait pour faire passer entre vos mains ma barre longue de vingt pouces sans que celui qui vous la remettra sache qu’il vous la remet ; et communiquez-moi vos pensées là-dessus. En attendant faites acheter par Laurent quarante à cinquante images de saints assez grandes pour tapisser toute la surface intérieure de votre cachot. Toutes ces estampes analogues à la religion ne laisseront pas soupçonner à Laurent qu’elles ne vous servent qu’à couvrir l’ouverture que vous ferez au plafond, et par où vous sortirez. Vous aurez besoin de quelques jours pour faire cette ouverture ; et Laurent le matin ne pourra pas voir l’ouvrage que vous aurez fait la veille, puisque vous remettrez l’estampe à la place où elle était, et votre travail ne sera pas aperçu. Je ne peux faire cela, car je suis suspect, et on ne me croit pas dévot d’estampes. Faites cela, et pensez au moyen d’avoir ma barre. »

 

 

918 : « Il voulait porter les macaroni, et revenir prendre la Bible après ; mais je lui ai dit en riant que mon présent perdrait alors toute sa beauté. »

 

156 : « J’ai alors fini de remplir mon plat de macaronis pour moi-même et Laurent est venu m’assurer que pas une seule goutte de beurre était tombée sur le livre. »

 

919 : « Laurent est retourné me dire que le tout avait été dûment consigné. »

 

157 : « Le père Balbi employa huit jours à faire une suffisante ouverture dans le toit de son cachot pour pouvoir en sortir. Il détachait du toit une grande estampe, qu’il remettait après à la même place en la collant avec de la mie de pain mâchée pour empêcher que son travail ne fût vu. »

 

« Le père Balbi employa huit jours pour faire une suffi-sante ouverture dans son plafond, qu’il masqua facilement tous les jours avec une estampe qu’il décollait et recollait avec de la mie de pain. »

 

158 : « Je me suis levé et j’ai d’abord frappé au même endroit trois coups pareils : c’était le signal concerté pour nous rendre sûrs que nous ne nous étions pas trompés. Une minute après, j’ai entendu le commencement de son travail et j’ai adressé à Dieu tous mes vœux pour son heureuse réussite. Vers le soir, il me salua en frappant trois autres coups que je lui ai rendus et il se retira, repassant le mur et rentrant dans son cachot. Le lendemain, de bonne heure, j’ai reçu sa lettre [...]. »

 

« [...] ; c’était le signal concerté pour nous assurer que nous ne nous étions pas trompés. Il travailla jusqu’au soir, et le lendemain il m’écrivit [...]. »

 

159 : « J’avais déjà fixé ce moment. L’ouvrage devait être terminé le jeudi et je comptais de faire achever l’ouverture le samedi à midi pour aller faire le reste de l’ouvrage en rompant les planches du grand toit, qui étaient immédiatement sous les plaques de plomb qui couvraient le palais. »

 

« J’avais déjà fixé ce moment au surlendemain pour sortir de mon cachot la nuit, et pour n’y retourner plus, car ayant un compagnon je me sentais sûr de faire en trois ou quatre heures une ouverture dans le grand toit du Palais ducal, et d’y monter dessus, et pour lors d’embrasser le meilleur des moyens que le hasard me présenterait pour descendre. »

 

« Une minute après, j’ai vu Laurent qui entrant dans le corridor en me demandant pardon s’il mettait en ma compagnie un gueux dans toute la signification du terme. »

 

« Une minute après j’ai vu Laurent qui me demandait pardon s’il mettait en ma compagnie un gueux, mauvais sujet. »

 

160 : « [...] et me disant modestement que feu son père, argousin de galère, avait négligé de lui faire apprendre à lire, mais que certainement il voulait pour le moins apprendre à écrire, car il lui arrivait d’en avoir besoin tous les jours. Je lui ai dit que j’allais moi-même dire l’office tout haut et qu’en l’écoutant il aurait le même mérite que s’il le récitait lui-même. »

 

921 : « [...] me disant modestement que son père, argousin de galère, avait négligé de lui faire apprendre à lire. »

 

161 : « Il me répondit que sa dévotion particulière était pour le très saint Rosaire, dont il a voulu me narrer une quantité de miracles, que j’ai écoutés avec une patience exemplaire, et il me dit à la fin que la grâce qu’il me demandait était de lui permettre de poser vis-à-vis de lui la sainte image que je lui avais montrée pour l’adorer en disant son rosaire. Je lui ai fait ce plaisir et j’ai même accompagné sa prière, ce qui dura une demi-heure. Je lui ai demandé s’il avait dîné et il me dit qu’il était à jeun. Je lui ai donné tout ce que j’avais et il dévora tout avec une faim canine, mais en pleurant toujours. Ayant bu tout le vin sans eau, il se trouva gris et pour lors ses larmes redoublèrent et il lui prit une forte envie de parler. Je lui en ai fourni un grand sujet en l’interrogeant sur la cause son malheur. Voici le précis de sa réponse, que mon esprit n’oublira qu’en passant le Styx. »

 

« Il me dit qu’il était dévot du très saint Rosaire, dont il me narra une quantité de miracles que j’ai écoutés avec une patience d’ange, et il me demanda la permission de le dire en mettant devant ses yeux la sainte image qui était sur le frontispice de mon livre d’heures. Après le rosaire que j’ai récité avec lui, je lui ai demandé s’il avait dîné et il me dit qu’il mourait de faim. Je lui ai donné tout ce que j’avais ; il dévora tout avec une faim canine, but tout le vin que j’avais, et lorsqu’il fut gris, il commença à pleurer, et ensuite à parler de tout à tort et à travers. Je lui ai demandé la cause de son malheur, et voici sa narration : [...] »

 

163 : « Avant que de partir, il dit que L... signerait aussi, ce qui me fit une grande peine, car ce L... était mon compère de saint Jean, parenté spirituelle qui lui donnait sur moi un titre inviolable et beaucoup plus fort que s’il eût été mon frère ; mais après avoir beaucoup combattu avec moi-même, j’ai vaincu ce scrupule aussi et j’ai décidé de faire aller en fumée cet infâme projet. »

 

922 : « J’ai décidé de faire aller en fumée cet infâme projet, malgré qu’un des conjurés était mon compère de S. Jean, parenté spirituelle qui lui donnait sur moi un titre inviolable et plus sacré qu’il avait été mon propre frère. »

 

164 : « Je suis parti avant minuit dans un bateau et le matin avant midi je fus ici. Je suis entré dans une apothi-cairerie, où un jeune homme me fit le plaisir d’écrire les six noms de ces rebelles et, en s’agissant de crime d’Etat, j’ai été chez le secrétaire des inquisiteurs, auquel j’ai tout dit. »

 

923 : « Je suis parti à minuit dans un bateau, et le lendemain avant midi je fus ici, où je me suis fait écrire les noms des six rebelles que j’ai portés au secrétaire des Inquisiteurs d’État en lui narrant le fait. »

 

« Messer me donna l’homme, avec lequel je suis parti d’abord, et six ducats d’argent pour mes frais. Je suis sûr qu’il en a reçu douze, mais j’ai fait semblant d’en être content. Arrivé à Isola, j’ai montré à mon homme le chapelain et je l’ai laissé. »

 

« Messer me donna l’homme, je l’ai mené à Isola, je lui ai montré le chapelain, et je suis allé à mes affaires. »

 

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