Ce n’est pas à Mola, mais à Ostende ; ce n’est pas au quatrième, mais au sixième ; le narrateur à Mola n’est pas en fauteuil roulant, mais il en fait mention… C’était à la fin de mon petit périple d’hier : rue de Tivoli, le Salaambô aux Tintelleries où j’ai déposé les deux paquets d’Éléonore, puis rue Faidherbe, rue Hugo pour la banque (après m’être trompé, je ne suis pas encore au fait des subtilités du centre – chou blanc, la facture que j’avais présentée avec l’attestation d’hébergement n’était pas valide, il faudrait une attestation d’assurance, par exemple, en attendant les premières factures, eau, gaz ou électricité, « mais il n’y a pas de caractère d’urgence, n’est-ce pas ? » « non, absolument pas, votre compte n’a pas changé »), puis, au coin de la Grand Rue (ou Grande Rue ? ), SFR où l’employé a découpé la puce de mon désormais ancien portable pour qu’elle puisse s’insérer dans le nouveau (« il arrive que ça ne marche pas et alors il faut une nouvelle puce qui vous sera facturée dix euros, sinon c’est gratuit », mais ça a marché et j’ai désormais deux portables – j’ai pu constater avec plaisir et soulagement que rien de l’ancien n’était perdu, photos et messages), puis rue St Nicolas, derrière l’église du même nom, la Caisse d’Épargne où un employé un peu bedonnant et prompt à chantonner m’a expliqué, au sujet de la nouvelle adresse du Lys, quelque chose que je n’ai pas compris : que dois-je fournir exactement ? Il ne me restait plus qu’à rebrousser chemin. J’avais déjà testé la pente de la Grande Rue (Grand ?), j’ai préféré revenir sur mes pas, emprunter la même route par la rue Faidherbe (sur une vingtaine de mètres s’alignent quelques boutiques et magasins fermés, on aurait dit Tourbe ; est-ce le virus ?). Mais j’avais aussi en tête la librairie dont Doriane m’avait parlé, c’était sur mon chemin. Au niveau de la gare des Tintelleries, il faut tourner à gauche jusqu’à la place du même nom et le boulevard Clocheville. Ça s’appelle L’Horizon, c’est au n° 2 (non : 8). Ce n’est pas très grand, mais assez bien fourni, j’ai pensé à Ulysse. Une dame la tient (dont je ne verrai peut-être jamais le visage). J’avais à l’esprit le deuxième tome de L’amie prodigieuse pour Éléonore. J’avais pensé à la grande librairie dépendante du centre où j’étais sûr de le trouver, je l’avais vu, mais il aurait été un peu stupide d’aller dans une grosse boutique plutôt que chez une libraire et s’il n’y était pas, je l’aurais commandé. Il y était. J’ai ensuite jeté un coup d’œil qui, à un moment donné, a accroché une couverture de chez Minuit et le nom de Toussaint (j’ai l’impression que durant une seconde, je l’ai confondu avec Echenoz ; avais-je déjà lu Toussaint ?). Il était tout fin (6,80). Je l’ai ajouté à Ferrante et ai repris mon chemin en direction de la maison, Tintelleries et c’est en arrivant du niveau du boucher (où je me suis promis d’aller pour le comparer avec celui de notre quartier) que je me suis souvenu que la pente de la rue de la Paix n’avait rien à envier à celle de la Grande Rue (et si je l’avais oublié, elle était là devant moi pour me le rappeler), était même, il me semble, plus abrupte. J’ai peiné à la remonter, étais à bout de souffle lorsque j’ai poussé la porte d’entrée… J’ai ensuite appelé Humbert avec mon nouveau téléphone (« tu es mon premier appel », lui ai-je dit, « tu m’en vois ravi ! »). À un moment donné, il m’a demandé s’il pouvait rappeler dans cinq minutes ; j’en ai profité pour entamer Toussaint : Ostende, un appartement dans une résidence face à la mer, un homme immobilisé dans un fauteuil roulant qui n’a d’autre ressource que de regarder la plage et les vagues, j’ai tiqué. Je l’ai achevé en dix minutes (quarante-sept pages) en fin de soirée. C’est un peu décevant, pas très convaincant, et, finalement, assez mal fichu et pas très bien écrit (disons bancal). Et quelle est la raison d’être de l’attentat qui ne se justifie en rien (opportunisme ?) ? Et cette bizarrerie : l’achevé est du 2 novembre 2020 et il est indiqué en page de garde que ce texte a fait l’objet d’une pièce créée le 12 janvier 2021 au théâtre des Bouffes du Nord, c’est-à-dire postérieurement à la publication du texte et, que je sache, les théâtres sont fermés… (Ce n’est pas une faute de frappe, ce sont bien les bonnes dates – mais les représentations sont reportées à novembre...)

 

3 février 2021