J’ai bu un café, allumé une cigarette, le ciel s’est dégagé, le soleil a pu se faufiler (en faux filet). Je venais de retirer ma ceinture et, comme ça menaçait encore, je l’ai remise pour prendre le chemin de la grande librairie locale. Rue de Tivoli, coude à droite au niveau du jardin Bucciali, ça monte un peu, passe devant un square dont j’ignore encore le nom, puis descend et me voilà rue Faidherbe, Logne n’est pas bien grande. Objet : un livre pour Doriane. Éléonore m’avait précisé qu’elle était très attachée aux romancières anglaises, m'avait fait une liste, Mittford (« what ? this sausage ? »), puis Ishiguro (Remains of the day), Benson, Coe. Je n’ai trouvé de tout cela, il n’y a que les nouveautés et des best-sellers. J’y suis resté un bon moment, ai acheté deux livres pour moi. En désespoir de cause, et il fallait bien que je sorte avec quelque chose – et la section art est misérable –, j’ai fait ce que je ne me serais jamais imaginé faire un jour : appeler Éléonore dans le magasin. Portable à l’oreille, j’ai parcouru les allées, lui ai indiqué des noms, elle m’en a fourni d’autres. Rien. Le trou, l’abîme, et mon œil a accroché le nom de Ferrante dont elle m’avait parlé à plusieurs reprises et qu’elle vante tant. « Ferrante ? » « Why not ? » J’ai pris les deux premiers « tomes » de la série L’amie prodigieuse, les ai ajoutés aux miens (le tout a fait quarante-neuf balles, un Folio en coûte neuf ; avec cette somme, j’aurais acheté cent livres aux puces ou chez Emmaüs ; il y avait longtemps que je n’avais pas acheté du livre neuf ; c’est exorbitant)… (Aller chez les libraires indépendants, oui, mais si je n’y trouve pas ce que je veux ? Sur la route du retour, Grand Rue, vieille ville – ça grimpe, je n’en pouvais plus –, je suis passé devant la librairie d’ici, ai marqué un temps d’arrêt : et si j’y trouvais l’un des livres que m’avait conseillés Éléonore ? Finalement, j’ai poursuivi mon chemin.) (Je suis de nouveau tombé sur le Noir d’il y a deux jours qui voulait me taper de quelques euros ; la dernière fois, je n’avais que quelques pièces jaunes, aujourd’hui rien : « pas même deux ou trois euros ? » « non » « et une petite coupure ? » « non », si, un billet de cinquante, je ne le lui ai pas dit. Je pense qu’il s’agit de celui de cet été ; j’ai l’impression que je vais souvent le trouver sur mon chemin.) (Incidemment, il n’avait pas de masque, je n’ai pas eu la présence d’esprit de le lui dire.)
30 janvier 2021