Je viens de l’achever. Je suis dans la brume ; il y a deux sortes de brumes : celle qui laisse en suspens, celle qui laisse interdit. Je me trouve dans la seconde, à cause des dernières pages, déroutantes et qui me laissent perplexe. Ulysse, Dieu, le Néant, la recherche d’une « vérité » ou pour le moins d’un sens, d’une absence de vanité ; tragédie grecque et la mythologie qui y est attachée, mais Dieu, la divinité surnage. Que veut dire Tesich, où se situe-t-il dans la dérive de Saul qui, quoiqu’on en dise ou pense, cherche Dieu (Dieu comme une solution) ?... Dans les nombreux extraits de critiques qui émaillent la première et la quatrième de couverture reviennent les mots « funny » « hilarious ». Qu’y a-t-il d’hilarant dans ce texte ? Si effectivement Saul, dans la première partie – lorsqu’il s’exprime à la première personne –, est souvent drôle, il ne l’est pas du tout dans la seconde et c’est cette partie-là qui importe, domine, qui fait que ce texte est tout sauf « funny » (à moins de lui accorder son autre sens, mais c’est dans le premier qu’il faut le prendre, l’illustration de ladite couverture atteste). Saul est le premier roi des Israélites ; l’un des sens de Leila est « début d’ivresse et de gaieté » ; pour les soufis, c’est l’entrée en transe ou « la rencontre de l’amour divin »… Finalement, ce roman est mal fichu et je suis étonné qu’il soit sorti tel quel des presses états-uniennes ; jusqu’où l’editor est-il intervenu ? Il y a des longueurs, des inutilités d’ordre psychologique (notamment dans le passage où il va voir sa mère), et la « rêverie » finale est totalement en porte-à-faux avec un système romanesque conforme, calibré. C’est lui qui crée la brume ; tant mieux…

 

16 décembre 2013