Une telle relation me laisse pantois. Est-ce seulement possible ? Oui, puisqu'il le dit, qu'elle le dit, qu'ils se disent et le crient. Ça me semble hallucinant et je ne parviens pas tout à fait à y croire... C'est à partir de leur rencontre, vers le milieu du livre, que tout prend un autre intérêt. Il ne parle plus que de cela ; ou du moins, tout se fera en fonction d'elle, en fonction d'eux. Car ce n'est pas lui et elle, mais nous, espèce d'union parfaite, deux corps et deux âmes réunies en un seul et une seule, et, quoique j'en dise, et même si ce type d'union me donne le frisson, sinon la nausée, et même si leurs déclarations enflammées, fébriles, passionnées m'ont un peu irritées, je suis bien obligé de reconnaître que ça m'a fasciné, complètement pris, avec toujours ces questions : est-ce possible ? n'est-ce pas de la littérature ? est-ce qu'il ne nous bourre pas un peu le mou ?... J'ai dit que l'intérêt de départ était le témoignage, en ce sens que sa vie a croisé celle d'un grand nombre de gens aujourd'hui connus. Il y en a beaucoup, et davantage dans la seconde moitié, dont Truffaut et Jeanne Moreau (pour qui il a écrit la chanson de Jules et Jim – il y a un petit rôle, je n'en ai pas le souvenir), Jeanne dont il parle abondamment puisqu'elle est venue habiter près de chez eux (et qui serait, à le croire, extrêmement possessive), elle qui a pris de ses chansons pour deux 33 tours. Et puis Godard, et d'autres dont il n'est pas utile de faire la liste (il n'empêche que pour un type qui s'est isolé à neuf cents kilomètres de Paris et qui se dit détaché de ce monde, c'est tout de même impressionnant). Il n'empêche : malgré le plaisir que j'ai pris à le lire, je reste assez sceptique quant à son intérêt... tout en me demandant si ce que je viens d'écrire a véritablement un sens, un quelconque « intérêt ». Il a eu envie de l'écrire, et a fortiori, puisqu'il est écrivain publié, de le publier ; il a pris du plaisir à l'écrire, et moi à le lire. C'est peut-être suffisant...