Ce que je savais déjà de lui (ces trois ou quatre premiers livres qui l'ont très vite fait connaître c'est du moins ce que j'ai appris ici, car dans mon esprit il apparaissait comme un auteur confidentiel), c'est qu'il avait tout d'abord été peintre avec Lanzmann, d'ailleurs. Il avait renoncé à la peinture pour l'écriture, d'une part parce qu'il se sentait engagé dans une impasse, d'autre part à cause du milieu de l'art, dans lequel il avait fini par entrer pour en sortir écœuré ; d'où sa fuite de Paris avec sa « femme » pour se faire oublier dans le Sud où il vit toujours. C'est là qu'il commence à écrire... Ce qui lui fait prendre conscience de la pourriture du milieu et le fait fuir, c'est un type en particulier, un nommé Michelson, qui lui fait cette proposition étonnante : il le couvre d'argent, lui fournit tout ce qu'il veut à condition que toutes ses toiles, et ce à vie, lui appartiennent... Il est dans la misère la plus noire, il accepte ; puis prend conscience de l'énormité de cette proposition et se rétracte, rend l'argent déjà versé une fortune , quitte l'atelier de rêve et fuit, à la différence de certains de ses amis, et d'autres, qui eux ont accepté et se sont totalement vendus à ce type (il ne devait pas être le seul à mener cette pratique). Sonia Delaunay, par exemple, était sous contrat avec lui... Amour fou. J'ai mis « femme » entre guillemets. Ce terme ne convient évidemment pas à Danièle, cette femme qui l'accompagne depuis près de quarante ans. À le croire, et je le crois, ils ne se sont pas quittés une seule journée ni une seule nuit. C'est l'amour fou, tel qu'on peut le concevoir (ou peut-être le rêver). Il en parle constamment, presque trop, c'en est agaçant ; va même jusqu'à insérer des fragments de ses carnets à elle (c'est parfois même un peu déplacé, car il aurait pu avoir la délicatesse ou la modestie, ou la correction, de ne pas citer les passages où elle parle de lui, en termes évidemment plus qu'élogieux) afin que ce soit autant son livre que le sien, bref leur livre...