Il y a une époque, pas si
ancienne, où je me posais la question de savoir quelle était le sens de
l'écriture. Ou plus exactement : qu'est-ce qui, entre la confession,
l'autobiographie et la fiction, était le plus digne de valeur, lequel des deux avait-il plus de sens ? Pendant
toute une période, il m'avait semblé très futile de raconter
des histoires, et plus précisément les miennes. Je ne voyais
pas bien quel intérêt elles pouvaient avoir, ce que l'on
pouvait en tirer, et me disais que l'écriture, c'était soi, c'était « se
raconter »... Aujourd'hui, je ne me pose plus la question. Entre l'authenticité
et le mensonge (avec toutes les nuances que ces deux termes commandent), je
« choisis » le mensonge, car ce n'est que par le mensonge que peut se révéler un
quelconque éclat, une quelconque lumière, une quelconque vérité ; à preuve, l'art
qui en est le domaine-roi. L'imagination est mensonge et
l'imagination étant l'homme, l'homme ment et
« doit » s'exprimer en conséquence. L'écriture doit
donc être littérature (et mieux, art) et prêcher le faux,
le factice, le fabriqué. Bref, le fictif... Toujours est-il
qu'à la page 179, dont le contenu n'a strictement aucun rapport
avec quoi que ce soit, je me suis posé la question suivante : à quoi sert-il de raconter tous ces petits détails de sa
vie ? de quel droit, en vertu de quoi, cet homme, davantage qu'un
autre, prend-il l'initiative d'écrire sa vie, de la décrire, et
ce en vue de la publication, donc de la lecture par autrui ?
car si je comprends tout à fait qu'on l'écrive (comme je le
fais en ce moment même), je ne vois pas ce qui pousse à le publier,
à le faire lire ?
En résumé : qu'est-ce que j'en ai à faire de ces
histoires ?...
Et comme un fait exprès, dans les premières lignes de la page
180, je lis : « Si j'éprouve le besoin de retrouver une
trace dans ma mémoire, c'est autant par désir de complicité
avec vous mes lecteurs que par réel besoin. » Ce qui n'explique rien.
Complicité avec le lecteur ? Je ne vois pas ; en tout cas,
pas tel que c'est conçu et écrit,
c'est-à-dire platement, sans autre souci que la réponse à la
simple envie de l'écriture qui ne justifie pas
forcément la publication...