p. 204 : le lecteur, une croix et un grand crochet, révélateurs d'un grand
intérêt pour ce passage :
« L'imprononçable n'arrêtant pas de se prononcer
et de s'annoncer... En somme, le Saint-Esprit procède (mouvement) du Père
et du Fils ; il remplit une fonction d'adoration (silence) et de
conglorification (musique, chants) avec le Père et le Fils ; il devient
parole (locutus est) par les Prophètes...
Mouvement-silence-musique-parole... Et c'est de cette façon que le Fils, qui
vient faire l'homme, “ sort ” d'une vierge qui, de mère, devient fille, etc.
Trois en Un, Un en Trois, nœud d'une génération infinie comprise dans le langage
etc. Je crois que ça, c'est vraiment le fond du fond. »
p. 193 : l'idée d'un dieu secondaire :
« La sensation subjective de toute la modernité me
paraît être très bien éclairée par la gnose, à savoir que le monde est la
création d'un dieu secondaire, mauvais, maladroit et qu'il y en a un autre,
n'est-ce pas, qui ne s'est pas mêlé de la Création du Monde, car, vraiment,
ç'aurait été une erreur. » J'aime cette idée : autre dieu, silencieux, en
retrait, bon (peut-être), observateur, qui ne se mêle pas. Et sourit...
p. 201 : Proust (il en parle
souvent) :
« Eh bien, ça, c'est, si tu veux, la reprise
parodique de la grande vision que tous les écrivains ont eue – tous les
écrivains du XXe siècle – sur un mode biblique, à savoir que les grandes concentrations de
civilisations modernes, eh bien, c'est Sodome et Gomorrhe, ni plus ni moins.
Sodome et Gomorrhe ! Le titre de Proust. Proust en est arrivé, assez vite quand
même, à cette sensation sur laquelle il a construit toute la Recherche du
temps perdu. C'est impressionnant dans la mesure où ce que dit Proust, c'est
que le temps est perdu en fonction du fait que, dans le sexe, il y a, au cœur,
cette illusion. C'est une thèse extraordinaire. » Je ne suis
pas sûr de bien saisir... (Et suit : « À ma connaissance, elle n'a pas
encore été développée et, d'après ce que je prévois, elle ne le sera pas, sauf
si je m'en mêle. » Hm...)
p. 234 : le lecteur : « La bouffonnerie,
oui. Vous savez que je prends toujours part à des événements qui sont censés
être sérieux. À ces moments-là, je suis envahi, et c'est cela est vrai depuis
que j'étais un écolier, par l'esprit de moquerie. Vous vous rappelez ce que
Mallarmé écrit dans Un coup de dés : “ Tourbillon d'hilarité et d'horreur
”. » Je suis dans le deuxième entretien, de 1975 ; cela explique que les deux
protagonistes ne se tutoient pas encore (du moins, est-ce ainsi que le
« traducteur » en a décidé).