Beau soleil. J'en ai profité pour me rendre au marché
où je n'étais pas allé depuis longtemps.
J'y ai pris un café avec W***.
Elle attend un enfant.
Ce qui me réjouit.
Elle a l'air en forme...

J'ai travaillé toute la journée.

 

Au soir, visite brève de S***.
Sinon, je n'ai vu personne...

 

J'ai souvent du mal à croire que dans mon corps
des choses se trament en silence et sans mon consentement...

 

Ma mère me parle de clichés pris chez une amie avant la mort de mon père. Qui y figure. Elle me les tend. Ma gorge se noue : je suis incapable d'y jeter un œil. « Désolé, je ne peux pas. »... C'est la première fois depuis sa disparition que je suis confronté avec des images de lui. Ma réaction m'a à moitié surpris : obscurément, j'ai toujours pensé que j'aurais du mal à supporter cette vision « brute », concrère, réelle (à la différence de la visualisation mentale, même si elle est extrêmement précise), et je m'étonne, du reste, d'un tel pouvoir de l'image, fût-elle fixe.
M'a aussi rassuré, soulagé : j'étais tout de même capable de réagir...

 

Pour la suite de la journée d'hier, voir mon calepin de blouson (celui des beaux jours que j'ai pu enfin substituer à celui des mauvais, celui, le premier, avec toutes ces poches que je peux à loisir remplir). Plus autres notes concernant le dossier de la Rue...

 

Précellence, excellence.
Cello : monter
Ex cello : s'enorgueillir, s'élever au-dessus des autres.
Cello c'est aussi : frapper : percello : percuter, ébranler.
(c'est aussi le violoncelle anglais)

Procello renvoie à praecello : l'emporter sur, exceller.

 

l'Europe passe par l'idée. L'universel avant le particulier. L'Europe sera plus scientifique que littéraire. Penser au tout avant la partie. C'est en 1933. Benda ne semble pas craindre l'uniformisation, en tout cas n'en parle pas. Je pense à Fred qui me dit que bientôt il ne pourra plus manger tel fromage d'Auvergne garni de paille, car la commission européenne va l'interdire au nom de la standardisation et du bien de la communauté. Ce fromage est-il important ou non ?...
Je n'ai pas une goutte de sang français dans les veines. Toutes mes origines sont en Pologne. Je suis né en France, je parle cette langue et m'exprime avec. Je ne me sens ni français, ni polonais. J'ai cette langue, je l'utilise. Je ne suis pas nationaliste, ni universel. Je ne défends pas plus le français qu'aucune autre langue, mais, même si je peux m'exprimer dans d'autres langues, je ne me vois pas essentiellement m'exprimer autrement que par le français. Je suis fait du français. Ma manière de penser, ma structure intellectuelle est entièrement faite et conditionnée par le français. Où suis-je donc ? J'aime tous les pays, toutes les langues, toutes les expressions, tous les modes. Je ne suis ni nationaliste ni universaliste. Mais peut-être, et certainement, particulariste, singulariste. Je ne sais foncièrement que penser de l'Europe, n'en ai pas une idée très nette ; ne suis ni pour ni contre. Je dis simplement qu'il ne faut pas empêcher quelqu'un de faire et de vendre son fromage au nom de l'uniformisation (faire son fromage !).

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