Après-midi radieuse, du soleil plein la
véranda. Nous avons remonté les bouteilles de la cave, avons
préparé le matériel (!) et nous nous y sommes mis.
Francko pensait filtrer. Je le lui ai déconseillé, vu ma
malheureuse expérience de la fois précédente. Nous avons donc
classiquement soutiré par siphonnage.
B1 : apparence très claire, limpidité, pas de dépôt (ou
infime) ni de pellicule. Nous en avons obtenu une bonbonne de
deux litres cent, plus une bouteille. L'excèdent a été
bu : guère de fruit, l'acidité a pratiquement disparu,
mais cela reste très buvable. Nous nous sommes étonnés de la
transformation du liquide en quelques mois qui du quasi-vinaigre
est arrivé en presque vin ! Comment cela peut-il se
faire ?
B2 : limpidité avec léger dépôt et pellicule. Nous en
avons obtenu de même 2, 1 l + une bouteille. L'excédent a
été bu (quoiqu'il me semble qu'il en subsiste l'équivalent
d'une topette (que Francko appelle fillette !) que nous
avons conservé. Très fruité, trop. J'y remarque une très
légère acidité, Francko non. Quoi qu'il en soit, c'est très
proche du vin, beaucoup plus que B1. À ce moment-là, nous nous
sommes souri en silence...
B3 : léger trouble, dépôt et pellicule. Nous en avons
deux bouteilles (plus peut-être l'excédent ?). Le goût
est sensiblement semblable à B2, avec davantage de fruit :
de toute évidence, B2 et B3 ne sont pas achevés. Mais nous
sommes extrêmement optimistes. Je ne sais quel nom nous devons
donner à ce breuvage mais je puis affirmer que c'est buvable,
que ce n'est pas loin d'être bon et que ce sera bu.
Le rouge : pour commencer il n'est pas rouge, mais de je ne
sais quelle couleur indéfinissable :
rose prononcé,
mauve... Ensuite, présence dans les trois bouteilles et
bonbonnes de gros bouchons compacts. Peu de dépôt et quelques
particules en suspension. Nous en avons une bonbonne de
2, 1 l + une bouteille d'un litre (Martini).
Avec un petit reste en houillage. Quant au goût, l'aigre
s'atténue mais reste très présent. Ce n'est pas très bon.
Mais nous avons tout lieu de penser qu'à l'instar du blanc, il
s'améliorera. De toute façon, il n'est manifestement pas
achevé... Le plus inquiétant reste la couleur. Est-ce
normal ?
Va-t-il s'assombrir ?
Le tout, dûment bouché, a regagné la cave dans l'attente de
notre prochain rendez-vous, soit début mai.
Nous prévoyons encore trois soutirages au
moins avant collage et mise en bouteilles, vraisemblablement en
juillet. Quant à les boire, je crois qu'il sera raisonnable
d'attendre l'année prochaine. Mais nous en sommes encore loin...
Pour l'heure, attendons. En espérant que le processus va aller
encore dans le sens d'une amélioration. Le Petit Billy
serait-il une réussite ?
Très belle journée ensoleillée...
J'ai joué du piano. J'ai travaillé à un texte.
S*** est arrivée vers
17 h 00. Les choses sont claires désormais...
Au soir, F*** devait passer pour que je lui fasse une lecture.
S*** a désiré rester. Nous sommes allés manger au dehors.
Sommes rentrés à 2 h 00 du matin : il n'était
plus question dès lors de lecture...
S***, fatiguée, est rentrée. Elle m'a embrassé. J'ai renoncé
à ma lecture et avec F***, j'ai discuté marine et navigation
jusqu'à maintenant, 4 h 00 du matin.
La lecture est reportée à lundi soir. J'espère que je serai en
forme...
Vendredi soir, après le cours à
Marie, j'ai rejoint Susan à l'appartement où nous avons passé
la nuit. Où nous avons de même passé toute la journée du
samedi. Temps magnifique. Jardin, salon. Lecture. Piano et
préparatifs divers pour un voyage ce soir, voiture à remplir.
Dans l'après-midi, Hervé Lesieur est passé pour me remettre un
perforateur destiné à achever la destruction du muret de la
cour à Roubaix. Nous avons pris le café au jardin, nous avons
discuté éducation. Sa fille suit des cours de flûte au
Conservatoire ; me sont alors revenus en mémoire les propos
de mon article ; que valent-ils dans la réalité ? si
effectivement le Conservatoire est propre à briser la
sensibilité d'un être (ou pour le moins à la canaliser), il
peut aussi, dans quelques cas, la révéler, ou pour le moins
l'aider à s'épanouir ; la fille d'Hervé a un cours de 30
minutes par semaine, cours qui apparemment, d'après ce qu'il
m'en a dit, est fait intelligemment ; ce cours peut-il avoir une
influence néfaste sur l'avenir musical ou
non de sa fille ?
Paris, notes :
17 h 15. Le Mistral,
quai des Gesvres. J'ai quitté S*** au coin du quai de Corse et
du Boulevard du Palais. Il était 17 h 10. À cette
heure-ci, elle doit se trouver dans l'enceinte du Palais. Elle
était tendue. Comme moi-même l'étais... Je viens d'avaler un
sandwich jambon ; un thé fume. Il
est 17 h 20. Je me trouve en terrasse couverte.
Vue sur le pont que j'ai emprunté pour prendre place ici. Elle
m'y rejoindra tout à l'heure. C'est dommage qu'il y ait les
stands des bouquinistes qui me cachent la presque totalité du
trottoir du pont, et en sus la pancarte-menu du bistrot. J'aurais
dû mieux choisir ma place et ainsi la voir emprunter le pont et
s'approcher...
En face de moi, le Châtelet. Légèrement sur la gauche, la Tour
Eiffel. Paris. Ciel couvert, un peu menaçant, mais il fait doux.
J'attends... J'ai prévu de quoi tenir un bon moment : la
traduction, mon rébus, un livre. J'ai l'impression que je ne
ferai rien de tout ça et que je vais passer mon temps à
écrire... C'est un jour important, et je me demande à l'instant
à quoi peut correspondre cette date dans mon calendrier intime.
Cette date ne me dit rien. Mais il y a mars déjà, ce qui n'est
pas rien... J'espère que tout se passera bien... Je n'ai aucune
idée du temps que cela va prendre. Le rendez-vous était à
17 h 15, mais je sais, y étant passé moi-même, que
cela peut durer une heure, voire deux. Je crois que je peux me
préparer à attendre une bonne heure et demie (une petite moche
à l'air bête qui vient de passer en tenue de flic ; avec
flingue et tout le tremblement. J'ai l'impression de me retrouver
à Roissy, il y a presque un an de cela)... Je crois que je vais
être tout à fait incapable de porter mon attention sur quoi que
ce soit hormis sur ce calepin. Et sur le monde autour de moi. Je
veux dire le monde dehors, alentours, le monde de Paris... Il est
étonnant que dans une capitale comme Paris, on n'utilise pas
davantage les véhicules à deux roues. Ne serait-ce que par
snobisme. J'imagine des motocyclettes électriques ; ce pourrait
être un bon moyen de pallier les problèmes de circulation
mais est-ce moi qui les utiliserais ?...
18 h 00. Je me suis promis de jeter un il sur la
traduction, sac de nuds s'il en fût.
18 h 20 : je tente vaille que vaille de m'attacher à ce texte
d'éthique abscons, lourd et redondant. Il faudrait commencer par
le réécrire en français avant de le traduire.
18 h 50 : alternance de mon regard entre le pont,
la rue et le déchiffrage laborieux de ce texte chaotique. Je
commence à m'impatienter. 19 h 00. J'en suis à mon
second thé. Ça commence à peser lourd sur l'estomac et sur les
nerfs. Ça y est. Elle est là !...
21 h 20. Les Cyclades, rue Saint-Martin... Moussaka,
poivrons grillés, courgettes farcies, vin de Crête. Pas mal
(mais les frites avec les courgettes !). J'en suis à mon
second café... Après Le Mistral où elle m'a rejoint et
m'a tout raconté en compagnie d'un kir à l'Aligoté, nous nous
sommes rendus à Beaubourg en passant à côté de la tour St
Jacques (André Breton dont je lui parle) et le bouquiniste Mona
Lisait où, alors qu'ils remballaient stands et bacs, nous
avons réussi à soutirer quelques livres dont des Taschen en
polonais à 10 F pièce... Puis hésitation entre Le
Chant des voyelles et Les Cyclades. C'est le décor qui
a tranché... (Mon étonnement face au calme autour de Beaubourg.
Restaurants vides etc.)