King Lear. Hier, acte IV, scène III, je lis, paroles d’Oswald me semble-t-il, qui s’adresse à Lear (non, je me trompe, à vérifier) : « Sit you down, father ; rest you. »  Aussitôt, je me tais, m’immobilise. Instantanément, l’intonation que j’ai donnée, les mots eux-mêmes, ont fait surgir en moi une trace. Un instant, je me tais, puis les répète : « Sit you down, father ; rest you. » Et je sais, retrouve : il s’agit des derniers mots de I’m a Walrus, ceux que prononce un mystérieux speaker ajouté au montage sonore final… Cela fait près de trente ans que cette phrase m’intrigue, trente ans qu’à chaque écoute je la dis, phonétiquement, en superposition de celle du speaker, sans la comprendre ; et là, au détour d’un texte, un texte que j’avais toutes les chances de ne jamais lire de ma vie – l’intégrale de Shakespeare que je me promettais de lire depuis plus de dix ans – et certainement pas dans ces conditions-là (la rencontre avec Éléonore, shakespearienne, qui me propose la lecture à haute voix de ces pièces), elle apparaît, vient à moi et me sort tout à coup de la bouche. L’effet que cela a produit sur moi a été extraordinaire (et si ça se trouve, ce n’est pas cela, c’est une simple coïncidence, rien qu’une similitude, une identité phonétique et rien de plus – je n’ai pas encore pu vérifier…)

20 novembre 1997