La Vie rêvée des anges. Ou la Vraie vie. Vérisme forcené. L'ordinaire, l'égarement, l'instabilité, l'illusion. Je m'étonne toujours que des trames aussi minces et aussi limpides puissent malgré tout créer quelque chose d'attachant. En ce sens que ça attache, que d'un bout à l'autre l'on suit, l'on regarde, curieux, attentif, sans le moindre ennui, sachant pourtant par avance comment les choses se termineront. Cela doit tenir à une espèce de talent. À cette espèce finalement étrange et incernable nommée talent. De celui qui tourne et qui monte ; de ceux, de celles qui s'agitent et qui profèrent... Je ne suis guère sensible à ce type de cinéma brut, à ce type d' « histoire » et de ton du commun. Je ne suis pas sorti changé, rien de particulier n'a remué en moi, et je me dis : qu'est-ce qui s'est passé finalement ? Pourtant, je garde en mémoire les rictus de la fille flouée – qui pourraient presque passer pour du mauvais jeu, parfois (peut-être est-ce pour cela que je les ai retenus) –, et puis les curieuses expressions de vide du drageur lâche, et puis les regards ronds de la fille sensible qui poursuit le journal interrompu d'une inconnue... Je découvre en sortant et regardant l'affiche qu'elles ont toutes deux obtenu le prix d'interprétation féminine à Cannes. Que peut bien signifier ce prix ? Elles sont extrêmement justes, soit. Mais sont-elles des interprètes à obtenir un prix. Et puis, qu'est-ce que ça veut dire, un prix ? (Le prix, c'est ce qu'il faut payer pour obtenir, pour avoir à soi ; ce prix est-il ce qu'il faut payer pour les obtenir, les avoir à soi ?) (Moi ausi, j'ai obtenu des prix : c'est ce que je vaux, c'est ce qui détermine ma valeur...)

 

Godard a cessé d'exister le jour où il s'est imaginé qu'en tant que cinéaste, il avait un rôle à jouer dans le fonctionnement de la société en tant que système politique.

Comparez For ever Mozart et Deux ou trois choses. Le premier est appliqué, et non plus inspiré. C'est le même film, mais le second sans la foi. For ever (et tous les films qui l'ont précédé jusqu'à Détective non inclus) est un circuit fermé...

 

Vendredi soir, l'Impératrice Eugénie, nouveau lieu de Roubaix, partie du plan de reconstruction de la ville. Établissement de 1850, reconstitué, factice. Susan penche pour le contraire, soit l'authenticité des boiseries, du mobilier. Il est vrai que les couverts, dépareillés, ce qui est assez surprenant, en ont l'apparence : cuillères, fourchettes en argent, couteaux aux motifs de cuivre, manche de bakélite, type Art Nouveau... Contre toute attente, grosse affluence. Musique un peu ringarde, la clientèle qui se donne des airs de circonstance : airs de la ville, manières entre le lâche et le distingué. Tout cela sonne un peu faux, mais du moins ça vit... La carte, du fait de l'excès des diverses formules, est un fouillis indescriptible. Susan prend un plateau de fruits de mer, moi une souris d'agneau avec nouilles au gratin. Le plateau est conséquent, mais cache un vice : un bouchot frelaté que Susan recrache. Une horreur. J'appelle la serveuse. Le chef-serveur intervient. Consternation, panique. Pour réparer, il nous propose quelques huîtres supplémentaires. Que Susan refuse. La serveuse, jusqu'alors hostile, devient affable et serviable. Elle ne sait plus quoi faire. Noie la crêpe Suzette de Susan de Grand Marnier ce qui la rend parfaitement immonde. Le café sera offert. Merci... Quant à ma souris, confite et saisie aux herbes alpines (je cherche toujours les herbes), il s'agit d'un bout de viande misérable au bout de son os accompagné d'une cassollette de nouilles. C'est bon, mais chiche, et les profiterolles, quoique honnêtes, ne parviennent pas à me rassasier. Quant au Croze-Hermitage, je n'en ai plus souvenir. Nous n'y retournerons certainement pas...
(à noter les coussins sur les chaises, au goût hideux). À la table voisine, deux dames âgées et un homme ; un couple avec la mère ou la belle-mère (qui, du reste, est forcément les deux). La vieille dame donc, au sourire immuable – comme marqué sur son visage, trace d'une longue vie béate, sorte de cicatrice du bonheur –, qui se tape de grands verres de rouge et termine par un Irish Coffee, tandis que l'homme (son fils, son gendre ?), quoique bien rebondi, ne touche pas à sa carbonnade. « Pourquoi vient-il au restaurant s'il ne mange pas ? » Susan semblait véritablement stupéfaite qu'il ne touche pas à son assiette, lui préférant son verre de vin rouge et son Irish Coffee comme une réplique offerte à la dame (certainement sa mère, de ce fait).

 

Froid.

Cours à P*** qui ne fait rien...

 

Les problèmes de connexion avec Internet ne s'arrangent pas. Mon site se promène tout seul et la mise à jour du Livre de novembre approche...

 

Pluie et froid.
Je vais chez ma mère comme tous les quinze jours.
Elle ne va pas fort.
À 17 h 00, je rentre, travaille.
O*** passe vers 18 h 00.
Nous mangeons ensemble.
Il dit être fatigué, mais il semble être très content de son travail à Paris...

(J'ai trop mangé. Le chocolat à l'ananas est décidément très lourd à digérer. Mais je n'ai pu m'empêcher de finir le plat...)

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