Ma mère ne regarde que TF1, je ne regarde pas la télé. Lorsque je passe chez elle, la télé est allumée. Hier, j'ai profité de ce qu'elle se repose pour me faire un programme spécial :
1) le début de Texas ranger : un peau-rouge ranger (rangé ?) (tous les mauvais l'appelaient « peau-rouge ») tombe sur la femme de sa vie : elle dirige des fouilles, est rousse, belle, blanche et n'est pas le miroir de cet amour ; une nuit, alors qu'il parle à ses ancêtres en contemplant la Voix Lactée (sic), elle est assassinée avec son propre couteau. Pas d'alibi (les ancêtres restent muets), le FBI enquête ; en tant que ranger, il a 72 heures pour se disculper ;
2) la dernière demi-heure d'un reportage sur le bush d'Alaska avec, en parallèle, la vie sur l'île St Paul en Mer de Bering et la rude existence des pêcheurs de crabe : chaque année, 6 à 7 navires ne reviennent pas à quai ;
3) une petite demi-heure de Vivement dimanche de Michel Drucker, ou comment l'affligeant le dispute férocement au pitoyable : les Six Clones (on croit rêver), un évêque prestigiditateur ; Annie Cordy pour clore (70 balais bien tapés, mais toujours du ressort dans les gambettes) ;
4) quelques minutes d'un jeu à but éducatif : les Globe-trotters ; à plus d'un titre, La Famille est en or est plus tonique, et plus instructif ;
5) un petit quart d'heure d'une série outre-Atlantique (américaine du Nord) mettant en scène des pilotes et des pilotesses (politesses ?) ; l'un d'eux a un compte en banque au montant drôlement suspect ; le colonel se porte garant mais la dépêchée du FBI est inflexible... Dans la frénésie et la consternation qu'impose cet épouvantable méli-mélo (d'où tout de même le crabe tire bien son épingle – je n'ai pas osé « sa pince »), j'ai omis de consulter la 5 (ma mère ne capte pas la 6). Ai-je bien fait ?...

 

Le Repos du guerrier, le dernier quart d'heure, vu hier. Vadim, soit : la prétention et la ringardise mariées (avec la médiocrité pour rejeton). Brigitte y est particulièrement affligeante. Il est étonnant de constater que dans une nullité, elle puisse être nulle, risible, ridicule, alors que dans un film inspiré et intelligent, elle soit extraordinaire. Pourtant, de l'un à l'autre, elle est est exactement la même, identique. Elle, tout à fait. Elle, c'est-à-dire gourde et un peu bête, mais en contrepartie simple, vraie, spontanée, authentique. L'intelligence (de l'utilisateur) fait briller cette authenticité, cette vérité ; la médiocrité (du protecteur) n'en révèle que la stupidité. Chez le premier, on l'adore ; chez le second, on la giflerait. Est-ce cela qui a fait dire (notamment la Nouvelle vague – encore que je comprenne bien ce qu'ils voyaient en elle) qu'elle était une extraordinaire actrice (qu'est-ce qu'une actrice ?).

 

Il fait très froid.
Ce qui n'arrange pas mes problèmes de mains,
et de doigts, en particulier.
Ça m'inquiète de plus en plus...

Je suis allé acheter du tabac ce midi.
J'en profite pour passer chez F***.
Il me fait visiter sa nouvelle demeure,
un atelier près d'ici, rue de la Renaissance.
Nous prenons le thé ici après,
avec F*** qui nous accompagnait...

J'essaie comme je peux de me faire
à l'idée de la disparition de V***.
C'est dur...

 

La danse contemporaine, celle qui agite le corps des pauvres dans les discothèques et autres lieux de réunion des solitudes, est purement tribale. Il est intéressant de noter qu'après des siècles de règles, de lois, de figures qui faisaient de la danse un double graphe dans l'air, l'on en soit arrivé à l'expression de la simple et première expression de la pulsion animale, voire bestiale. L'on pourrait y voir un salut à la liberté et au laisser-aller ; il ne s'agit là en fait que d'un motif – que l'on prendra dans tous ses sens – préfigurant le suicide collectif (sorte de répétition pour le chaos final). Le débordement vers l'oubli qui en fait n'aboutit qu'au dérèglement et à l'abrutissement consenti. Lorsque Susan me demande de danser avec elle hors de notre intimité, je refuse. J'attends que retentissent les notes qui me feront m'approcher d'elle pour la toucher et la conduire. Pour que d'un bout à l'autre de la musique je sois attaché à elle et fasse avec elle une double signature de corps. Ça n'arrive jamais. La tribu privilégie les notes des spasmes, des contractions et des convulsions, pas celles du sourire et du petit battement de cœur supplémentaire qui font du rapprochement de deux corps un moment de grâce inédit. Alors, je reste sagement dans mon coin et considérant distraitement cette agitation qui n'a dégale que celle d'un monceau d'insectes dans un bocal, je me dédie un verre...

(Susan est belle quand elle danse seule parce qu'elle sourit et que dans chacun de ses gestes, il y a l'appel et l'attente de l'autre. Elle sait que chaque mouvement du corps est une dédicace et les doigts enserrés par d'autres un gage d'humanité...)

 

Sachant que le temps est un point vertical, monte-t-il ou descend-il ?

 

J'attends l'ascenseur.
Deux petites femmes de ménage, seize ans à peine,
sont accroupies près de leurs seaux, attendent.
L'une dit à l'autre, une blondinette aux traits fins :
« Et c'était comment pour le baiser ?
– Eh ben, un baiser, c'est comme un spaghetti :
plus c'est long, plus c'est bon. »
Et enchaîne aussitôt :
« Et tu sais ce que tu dis quand tu vois un beau garçon ?
– Non, dit l'autre.
– Eh ben, quand tu vois un beau garçon, tu lui dis :
“ Quand je te vois, je suis comme l'orage : je craque. ” »
Une telle mignonnerie au lieu de la grivoiserie attendue m'a ému...

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