Froid. Grisaille...
Je relis un peu.
Coup de fil à P***.
Je m'y rends la semaine prochaine...
10 h 05 : je me suis regardé dans
la glace de l'ascenseur et me suis dit à haute voix :
« Dé-ve-lop-per une pen-sée... »
Temps passable. Soleil...
Après-midi passée sur le piano de W. Puis réunion avec O. et
F. Et soirée chez N. et R. où il y avait A. et O., ce dernier
fêtant son 33e anniversaire...
Je ne vais pas trop mal...
Douleurs lombaires. Frissons. Demain, je vais chez le médecin...
Je reprends petit à petit la lecture...
En allant et venant dans la maison aujourd'hui,
en montant, descendant, en rangeant, déplaçant, j'ai été
effaré à la vue de toutes ces choses entassées, accumulées.
Toutes ces choses d'un point à un autre, les miennes autant que
les tiennes, qui emplissent le moindre recoin. Toutes ces choses
que l'on transporte, emporte avec soi, qui nous représentent et
qui, qu'on le veuille ou non, font partie de nous, sont nous,
aussi bien les livres que les pots de peinture, que les bidons,
les lampes, les bibelots, la montre de mon père sur le bureau,
deux petits tubes de plastique que je vais de ce pas jeter à la
poubelle (c'est fait), une carte postale, un programme de
concert, une fleur schée, et les quelques vis trouvées tout à
l'heure à côté de petits bouts de bois que je n'ai pas eu le
cur de jeter et que j'ai déposés dans l'un des placards
de la buanderie, et puis deux bouts de rouleaux de papier peint
que j'ai de même déposés dans l'un des placards, ça peut
toujours servir, et puis tout ce qui m'entoure dans ce grenier,
multitude de petits objets qui n'ont pas la moindre utilité,
sinon celle d'agrémenter, de constituer une trace, comme la
bougie en forme de Père Noël, ou l'ange avec sa cagoule noire,
ou le livret chocolat, ou la carte ZITA, ou les boîtes
d'allumettes, et je regarde à l'instant la boîte verte qui
porte le nom JAVANA.
Pourquoi cette boîte ? Elle ne me rappelle rien. Alors, je la
prends et la retourne, et je vois inscrit BRUGGE,
KOFFIERBRAN-DEREIJ THEE IMPORT. J'ai beau
chercher, elle ne me rappelle pas le moidre souvenir. Pourquoi
ai-je cette boîte sur mon bureau ?
et pourquoi je la conserve si elle ne me rappelle rien ? te
rappelle-t-elle quelque chose ? est-ce lié à toi ?
Il est 2 heures 30. Je ne suis pas fatigué, mais je pense que je vais devoir me coucher. Mais je n'en ai pas la moindre envie. En fait, je suis bien ici, et je me rends compte qu'il y a très longtemps que je ne m'étais pas retrouvé seul à ce bureau pour écrire. Seul avec le temps pour penser, pour réfléchir. Et qu'irais-je faire dans ce lit si tu n'y es pas ?
J'ai pas mal fumé aujourd'hui. Bien sûr. À chaque cigarette que je roule, puis allume, je me demande quand je pourrai dire qu'il s'agit de la dernière.
[...]
12 h 50. Je suis allé boire un café. Dans un
couloir, j'ai croisé un collègue qui rentre tout juste des
Caraïbes. Une cinquantaine d'années, il a une sorte de
bonhommie molle que je n'aime pas, qui cache sans doute des
certitudes sèches et des calculs de préservation
particulariste. Je l'ai vu arriver du bout du couloir avec, en
guise de visage, une tache de frais bronzage. Un bronzage
d'employé terne suite à des vacances imméritées au bout du
monde où, pour lui, le soleil doit se prendre comme un droit. Je
me suis rendu compte à ce moment-là que le bronzage, acquis
comme une maison de lotissement à tempéraments, était
vulgaire.
Ce bronzage-là est très vulgaire...
Temps maussade.
Douleurs lombaires. Je passe voir le médecin cette après-midi.
Puis vais chez W***.
En fin d'après-midi, apéritif ici en l'honneur de
l'anniversaire de F***. 21 personnes ! J'espère qu'il ne
pleuvra pas que nous puissions profiter du jardin.
10 h 00. Soleil... Enfin !
Grisaille de nouveau...
À quoi vais-je bien occuper ma journée ?
Temps déplorable. Moral à l'avenant...
Je ne suis sorti que pour rendre
visite à W***.
Nous sommes ensuite passés à la maison. Depuis, soit
14 h 00, je suis seul et je ne pense qu'à V***.
Je suis désormais assuré de l'avoir perdue à jamais...