Journée estivale. Ce matin, passage de Jean-Pascal pour l'accord du piano.
Arrivée ici à 12 h 30.
Ce soir, Kahdidja.

 

Un peu de retard dû au week-end londonien, mariage de Keir et Antony, beau moment. J'ai pris quelques notes rapides, au stylo à bille, sur mon calepin de veste. Pour le reste, il faudra me fier à ma mémoire, qui se devra d'être particulièrement alerte et précise vu les multiples choses à rapporter de ce mariage fait selon la tradition juive...

 

Amérique insolite de Reichenbach. Ça date de 1960, c'est un documentaire. On a beaucoup filmé l'Amérique, mais ce film-là, avec son désordre d'images, son aspect de brouillon, son côté touriste curieux, de reporter candide, me semble être un des plus justes. Et aussi un des plus inquiétants. Certaines de ces images, hommes musclés et souriants, adolescentes vives et exultantes dans l'attente du foyer, manifestations joviales et exubérantes, m'ont fait penser à certains films de propagande nazie à la veille de la guerre. J'ai entendu une fois Godard dire que l'Amérique était allemande, autant de souche que de mentalité : notion de pays, de race, le souci de la propreté, de la tradition, notion du sérieux dans le travail, et puis la conviction de la suprématie, de l'accession au bonheur par l'effort et le rassemblement... C'est vrai que l'Amérique est une sorte de colonie allemande, excroissance teutonne de l'autre côté de l'Océan... à cette différence près que l'Amérique n'a pas d'histoire. De ce fait, elle a dû grandir vite (comme une salade qui a monté) et s'est préfabriquée, s'est faite sur le modèle d'un énorme jouet, d'une gigantesque maquette. Ce n'est pas un pays, mais une pièce montée. Un jeu. Une immense cour de récréation dont le mur est l'histoire et les platanes les fantômes des apaches et des mohicans (une image saisissante de ce film : un motel dont les bungalows ont la forme de tipies en béton !). Il est extraordinaire de penser qu'un pays de cette dimension se soit dressé en moins de deux siècles. Faut-il donc de la hargne, de l'effronterie, de la morgue, de l'orgueil, du mépris, de la vanité, de la cruauté pour en arriver là si vite ! Et plus que tout peut-être : de l'arrogance.

 

Samedi et dimanche passés à Amiens pour le mariage de Pascaline et Fabrice. Fabrice est le fils d'Annie et de Ghislain, amis de Picardie de Susan. Je les avais rencontrés l'année dernière. Mariage simple, chaleureux et généreux, à leur image. Mariage qui avait cependant une particularité : l'absence des parents et de la famille de Pascaline qui s'opposaient à cette union. J'en ignore les raisons. Mais qu'importent les raisons... Beaucoup de choses relevées (mentalement). J'espère avoir le courage, lors des jours suivants, de les mettre par écrit... À noter l'oubli de l'expo de Laurent il y a une quinzaine de jours, Laurent qui, le lendemain,
m'a montré les premières planches du story-board de notre roman-photos. Épatant ! Je suis enchanté...

 

Dimanche, départ pour la Tunisie. Une semaine...

 

Tout à fait à la gauche du bureau, pendant de la lampe à abat-jour qui à droite m'éclaire, se tient le globe terrestre de mes sept ans. Je l'ai « récupéré » il y a peu chez mes parents... Comme sur toute carte, les pays sont coloriés différemment. La première chose qui frappe immédiatement, c'est la prédominance du vert à travers le monde. La France est du même vert. Au début, l'on trouve ça bizarre. Puis on comprend mieux lorsque l'on sait que ce globe est de 1960... Une autre chose me frappe à chaque fois que je le regarde, c'est la dimension de la France. Elle me semble exagérément grande par rapport au reste de l'Europe : on ne voit qu'elle.
Bien sûr, il y a le vert (un vert bien franc, qui se voit bien, qui se voit aussitôt, un vert bien tranchant et bien français sur un globe bien français !), mais ce n'est pas suffisant. Je suis persuadé qu'elle a été intentionnellement surdimensionnée (mais peut-être est-ce une des vertus du vert de gonfler, d'enfler, de boursoufler).

 

Soleil. Gueule de bois...

F*** est rentrée à l'hôpital hier. J'espère que ce n'est pas grave...

 

Visite chez ma mère, aujourd'hui.
À l'hôpital !

 

Ce soir, impression du nouveau livret.

 

Après l'impression, et cela devient un rite, repas en Belgique. Avec des amis de F***. Retour à 1 h 00. Je relis l'impression. Tout en relisant, plaisir face à un texte que je trouve beau, et amertume en pensant à V*** qui n'est pas là...

 

Marché aux puces : un couple d'une trentaine d'années vendait des bricoles.
Dont des 45 tours. Je m'approche et avant même que je puisse jeter un œil, le type me dit :
« Vous cherchez quelque chose en particulier ?
– Non, pas vraiment.
– Voyez, j'ai Machin truc, Truc pif, et puis aussi Zlob et Grobi. »
Son épouse se rapproche et dit d'un ton attendri :
« Ce sont les disques de nos dix-huit ans.
– Ah. Et vous n'écoutiez pas Sfrop, par hasard ? »
Elle se penche sur ses malheureux disques, imitée par son mari et tous deux
les fouillent du regard, les passent en revue avec gravité et effort comme
s'il y en avait des milliers devant eux.
« Ah non.
– En tout cas, vous ne devriez pas vous en séparer.
– Ah ? font-ils de concert.
– Un jour ou l'autre, vous allez le regretter.
– Vous croyez ? »
Et je les ai laissés, interloqués, en me demandant pourquoi j'avais dit ça.

 

Fermeture annuelle jusqu'au 7 juillet indique la nouvelle page liée à l'entrée Le Journal...
Ce serait amusant que lors de notre absence, l'on soit cambriolé (par un internaute masqué,
par exemple)...
Il est 23 h 30. Je viens de terminer la saisie des deux derniers jours. Tout est en règle : nous pouvons partir... Il pleut depuis une heure. Orage. Chaleur étouffante. Je suis seul dans la maison. Susan, Yann et Paul sont partis pour une fête à Attiches...
Bagages faits. Une demi-douzaine de livres en forment le gros. J'espère que ma disposition actuelle à la lecture va se poursuivre. J'ai bien l'intention de passer la majeure partie de mon temps à ne rien faire d'autre que de lire : soleil, parasol, mer et lecture. Me dégager la tête, bouger le moins possible et lire...

 

Vu hier : Au loin s'en vont les nuages.
Quel étrange et beau film !

Suivait un Palettes sur Klein. C'est drôle comme parfois (peut-être était-ce un reste de ma conversation avec Anne et Janusz quelques heures auparavant), je ne vois dans tous ces débalages qu'une monstrueuse farce.

 

Couvert le matin. Mais beau temps l'après-midi...
Rien de particulier. Je ne fais rien. Vais au boulot consciencieusement. Pour le reste, j'attends...

 

Suis allé voir F*** à l'hôpital. Elle y restera sans doute une semaine ou deux. Elle a l'air de bien se porter... Elle devra cesser de boire et de fumer. Je doute fort qu'elle tienne. Elle parle déjà de la cigarette et du verre qu'elle va prendre en sortant...

 

Pour mémoire, le cirque au Fresnoy :
- jeune compagnie parisienne s'associant à des artistes (mais quel est le but réel, le but final de cette association ?)
- Buren, Sonneville, Boltanski, Kounellis, Filliou (qui, du reste, est décédé : quelle est donc sa participation ?) ; Buren, c'est clair : les bandes attestent ; Sonneville, de même : ça a est présenté ; Kounellis, il y a les cloches ; Boltanski, par contre, c'est l'énigme ; de même pour Filliou...
- chapiteau dressé à l'intérieur de la grande salle ;
- spectacle de cirque avec des traces, de-ci de-là, d'art, ou en tout cas dit comme tel : Buren fait une cage de ses bandes : ce n'est pas de l'art, mais simplement un artiste qui tisse. Tisse ses bandes comme s'il s'agissait d'une toile, toile dont il est le centre : c'est une araignée, soit, autrement dit : régner par l'art, qui, à tout prendre, est un statut comme un autre. Est devenu un statut : sa cage est une carte d'identité, un point supplémentaire à ajouter à une liste destinée à l'histoire. Pour sa biographie. En fait, en bon ouvrier, il pointe. L'artiste est un bon ouvrier qui n'a pas à se lever le matin. Mais qui pointe...
- des choses drôles, des choses spectaculaires, des choses impressionnantes, des trouvailles, de la variété. C'est un bon spectacle. Vendredi soir, j'ai assisté à un bon spectacle de cirque et j'ai passé une bonne soirée...
- le discours d'Adrienne Larue au sujet de l'art en guise de présentation ; je ne suis pas sûr que les Guignols en auraient voulu...
- énormément de monde, salle comble, beaucoup d'enfants ; des gens qui apparemment n'étaient pas des habitués du lieu : il s'agit bien d'un spectacle de cirque...
- mention particulière pour le cavalier automate : inventif, drôle et troublant. J'ignore le nom de son artisan.
- le directeur qui entre sous le chapiteau et J*** qui s'exclame : « Ah, voilà Dieu ! »
Un vent spécial a soufflé qui a agité sa seule chevelure (flou beethovénien et grisure poète).
Pas de doute, c'est bien Dieu.
- « Il y avait Buren et Toubon à la première privée, » me dit Patricia.
Un politicien est un ouvrier qui n'a pas à être bon, ni artiste. Mais qui pointe aussi...
- mention particulière à la belle acrobate enroulée dans des draps en première partie...
Un acrobate, c'est quelqu'un qui n'est ni politicien, ni artiste, ni ouvrier. Et qui ne pointe pas. Mais qui ne peut être mauvais. Jamais. Sa vie en dépend...
Pour oublier tout cela, nous sommes allés en petit comité à la maison boire une bière dans le jardin. Roman a montré La Marche turque à Léa ébahie ; Trixie a volé des chips dans un plat ; j'ai partagé de la glace pour les enfants ; Hervé a bu deux fois dans le verre de Susan ; Patricia m'a signalé le « e » de « mise à nue » dans le précédent livret ; Janusz a savouré l'Esquelbecq ; Anne a réclamé une nouvelle fête ; Mozart est allé au bouillon... Dans ma famille, il n'y a ni politiciens, ni artistes, ni directeurs. C'est pour cela que c'est une belle famille...

 

Soleil...
Je suis accablé...