HUMANA ANTE OCULOS FOEDE CUM VITA JACERET/IN TERRIS OPPRESSA GRAVI SUB RELIGIONE, QUAE CAPUT A CAELI REGIONIBUS OSTENDEBAT HORRIBILI SUPER ASPECTU MORTALIBUS INSTANS.
Le Site de mai, page 20 : « Il est
prêt de minuit... »
0/20 pour l'élève Grudzien...
Beau temps. Rien de particulier.
Leçon de piano pénible avec L***. J'en ai assez...
Tout mon entourage professionnel qui se racornit, grisonne et enfle ; vais-je être contraint un jour à l'imitation, voire au mimétisme ?...
Ai lu un peu. C'est encourageant...
Soirée passée avec N*** chez elle. Elle m'a demandé de lui parler de V***. Ce que, après quelques réticences, j'ai finalement accepté de faire...
8 h 30. Soleil...
Journée de travail normale. Il
fait beau. Dans l'ensemble, je vais assez bien. Me suis acheté
six livres ce midi. En ai lu deux dans l'après-midi, chose qui
ne m'était pas arrivée depuis très longtemps. Est-ce le signe
d'une amélioration ? Ce qui ne change rien au fait
que je pense sans cesse à elle...
Shadows de Cassavettes. De la liberté
pure, quel que soit le sens que l'on accorde au mot
« liberté ». Je ne l'avais jamais vu... Par contre,
j'ai vu plusieurs fois Mélo. Je l'ai revu avec le même
plaisir, et la même interrogation face à quelque chose qui
m'échappe totalement et que je ne puis appeler que charme.
Qu'est-ce qui fait, outre l'extraordinaire présence de
l'interprétation, que l'on puisse s'attacher de bout en bout à
un texte et à une intrigue a priori si banals ? À
l'époque de la première vision de ce film, j'avais voulu
« vérifier » en lisant le texte original.
Et curieusement, j'avais éprouvé et ressenti la même
mystérieuse attraction...
Il y a un peu plus de seize heures, je traversais la campagne déserte, autoradio à fond, chantant à tue-tête Chamfort et ses chansons à chavirer. Il faisait nuit noire, j'étais absolument seul sur la route, je revenais de C*** et je jubilais. Chavirement et jubilation. Je jubilais, et chavirais, avec dans la tête ces dix heures pleines passées en sa compagnie.
Cette nuit, nuit de vendredi à aujourd'hui
(?), à 6 heures du matin, nous sommes réveillés par un
véritable déluge. Tonnerre à n'en plus finir, grêlons,
foudre. Vision de ce que l'on appelle communément « la fin
du monde ». Il était 6 heures du matin du 6/6/1998...
Multiples dégâts à travers la région, inondations. Dont à
l'appartement qui a un peu souffert :
la chambre notamment. J'ai épongé ce midi tandis que Mathieu
nettoyait le toit...
J'ai fait une découverte sur moi-même : je suis un artiste frustré, jaloux et envieux. Comment vais-je faire pour supporter de vivre une seconde de plus ?
Je me demande combien de personnes répondront. Jusqu'à présent, je n'avais guère pensé à des désistements, ou très peu. C'est pour cette raison que des 83 personnes prévues, je suis passé à 60, en sachant déjà que Francko et Karine ne pourront être présents. J'ai envoyé les invitations aujourd'hui, elles ne parviendront pas à leurs destinataires avant mardi. C'est tout de même trop court et j'ai pensé qu'il était possible qu'une bonne majorité de gens soient prises ce jour-là. Du coup, crainte que nous soyons trop peu, ou plutôt que les plus proches ne puissent répondre...
Des heures, qui deviennent des jours, puis des semaines, passées sur une partition, sur l'apprentissage d'une pièce, et souvent, plus précisément, sur quelques mesures, juste une portion de musique, quelques notes retorses, qui résistent, qui se rebiffent, face auxquelles les doigts, l'esprit, tout le corps peinent, s'acharnent, s'essoufflent, s'obstinent, à fleur de la colère, de la rage, du désespoir, et, et c'est le pire, du renoncement. Des heures et des semaines à tâtonner, à piétiner ; puis, tout à coup, le miracle. Le miracle qui fait qu'au moment le plus inattendu, à un moment particulier où rage, désespoir et renoncement sont liés, confondus, le passage se fait. L'obstacle tout à coup tombe et stupéfait, l'on assiste à cet événement extraordinaire, et que je trouve même tout simplement prodigieux : les doigts, l'esprit, le corps ont compris et l'on joue. C'est soudain, inespéré et, véritablement, stupéfiant : une part de soi s'est déclarée autonome et indépendante et l'on entend, et, pour la première fois, l'on s'écoute... C'est ce qui s'est passé hier sur quatre mesure d'un prélude de Bach, prélude sur lequel je m'acharne désespérément depuis des semaines, et plus précisément sur ces quatre mesures qu'avant-hier encore, il me semblait impossible de maîtriser, tant du fait de leur difficulté technique que de leur caractère rebelle. Et d'un seul coup, elles sont passées, d'un seul coup, mes doigts se sont mis à les jouer et face à cet événement auquel j'assistais en réel spectateur, je suis resté ahuri et stupéfait... Stupéfait, je l'ai toujours été face à ce phénomène merveilleux et extrêmement troublant qu'est l'intelligence de la main (et qui, en l'occurrence, n'est pas une intelligence puisque c'est de l'automatisme pur, mais en même temps il faut de l'intelligence pour parvenir à cet automatisme, cet acte quasi réflexe qui, à un moment donné, se passe de la conscience). Mais c'est la première fois que le passage se soit fait avec une totale soudaineté (un déclic !), alors que jusqu'à présent et ordinairement, la progression a été lente et croissante, régulière, jusqu'au but final, jusqu'à la maîtrise, jusqu'à la connaissance... Hier, ma main a été véritablement intelligente, car elle a pris les devants... Depuis toujours, j'ai à faire face à un immense défaut : mon incapacité à me concentrer (soit à m'abstraire, à m'oublier). Ce qui fait que je serai toujours un instrumentiste médiocre. Mais que vaut cette faiblesse face à la sensation d'hier ? Ces notes enfin libérées ont été comme un cadeau...
Et puis, il s'est produit un fait étrange... J'en suis à la partie intitulée : Le Flic trop chic, ce texte où le narrateur se retrouve soudainement à bord d'une vedette qui va l'emmener à la guerre. Ce texte n'a pas changé. Mais il s'est prolongé. C'est-à-dire que nous nous trouvons maintenant à bord avec lui, lui qui, parmi et avec d'autres, va à la guerre. Et vient le moment où ils approchent de Guernesey qui est le début du « voyage ». Tout du long, le narrateur s'est tu, à l'instar de ses compagnons, et n'a fait que pleurer. Et comme ils approchaient et qu'il leur fallait d'une certaine manière conclure, et marquer cette conclusion d'un fait nouveau, m'est tout à coup venu à l'esprit une chanson. Et plus précisément une bribe de chanson, composée de deux phrases et pas une de plus ; chanson réduite à ces deux lignes, que chantait occasionnellement mon père lorsque j'étais enfant. Cet air m'est toujours resté et il m'est très souvent arrivé de le chanter, ou simplement d'y penser, comme ça, juste ces deux lignes qui aussitôt dites ou pensées disparaissaient. Et là parvenu à ce point du texte, il a surgi et je me suis mis à le chanter : P'tit pioupiou, bonhomme d'un sou, Quand t's'ras grand, tu seras soldat...Que faire d'autre sinon l'utiliser ? C'est à cela que j'ai pensé aussitôt : l'utiliser. Je ne pouvais faire autrement : il s'était véritablement imposé. Mais à ce point, j'ai hésité, et n'ai pas osé. D'une part parce que je ne savais comment l'introduire de manière à ce que ce petit chant léger, presque enfantin, ne paraisse pas risible au regard des autres. D'autre part, et c'est cela qui est étrange, parce qu'il s'agissait d'un détail complètement personnel, même si banal et anodin, directement lié à mon père que je ne pouvais faire autrement que de mentionner dans le texte. Et de dévoiler cette petite chose lointaine qui n'appartenait qu'à lui et à moi m'a tout à coup bloqué (non pas parce qu'il fallait que ça demeure secret, mais simplement parce que c'était la première fois que cela se produisait : la mention de mon père par le biais d'un souvenir qui lui était attaché). Mais tout à la fois m'excitait beaucoup car cette sorte de clin d'il, presque comme un hommage, me plaisait. Et longtemps, j'ai hésité. Et finalement me suis décidé. Et l'ai écrit, et l'écrivant me senti extraordinairement ému, presque bouleversé...
Il a plu cette nuit. Mais ce
matin,
10 h 00, soleil de nouveau. Chic...
À midi, vernissage au Musée de
Villeneuve.
À 17 h 00, le P*** où se produit la petite C***. Pour le reste, je ne sais ce que
je vais faire de cette journée. La préparation du livret, sans
doute, que je dois imprimer demain...
Mes douleurs dans les bras reviennent. C'est inquiétant...
Coup de fil de F*** qui a de nouveau une crise...
Hier, porte des Postes, F*** qui
me dit, alors que nous roulions : « Marche arrière,
il y a V*** ! »
Je dis simplement : « Je m'en fous... »
et continue...
Soirée hier très agréable
chez S***,
la jolie Anglaise...