Après le church yard où les trois bancs sont occupés, je suis revenu sur la place précédente où je teste
l'un des quatorze bancs près d'un monument à la gloire de l'amitié anglo-allemande, Ashford jumellée à Münstereifel.

 

Une demi-heure plus tard, je descendais du grenier. Sur le paillasson, au bout du couloir, j'ai noté la présence d'un bout de carton rose de forme rectangulaire. À ce moment-là, on a sonné. J'ai ramassé la chose, ai ouvert la porte. Il n'y avait personne. En refermant, je me suis aperçu que le carton en question était un permis de conduire. Je l'ai déplié. Il était au nom d'un certain Michel Miotke demeurant au 74 de la rue du Collège. À ce moment-là, on a frappé. Je n'avais qu'à tendre le bras pour ouvrir. C'était un homme qui portait un paquet à la main. C'était un coursier de Chronopost. J'ai pris le paquet, il m'a tendu un papier à signer. C'est à ce moment-là que j'ai noté la présence du premier homme, mon suiveur, à quelques pas, dans le caniveau. Il me regardait. J'ai refermé la porte, de plus en plus intrigué, et, à vrai dire, presque inquiet...

 

À sa droite, un fish and chips, the Yellow fisherman, qui, à sa droite, donne son mur à un quincaillier, espèce en voie de disparition. En voyant le fouillis de choses qui emplissent et surchargent sa vitrine, je me demande s'il y a un moyen quelconque de rendre la vitrine d'un quincaillier attrayante.

 

Ce matin, en gagnant la voiture, j'ai constaté que le phare avant droit était brisé. Je n'ai pas été le moins du monde surpris, ni même étonné. C'était comme si je l'avais su, le savais. J'ai immédiatement pensé à mon homme d'hier... (J'ai changé le bloc optique ce midi. Je me demande si demain matin, je vais de nouveau le trouver brisé...)

 

J'y suis : l'un des trois bancs du parvis de la petite église d'Ashford, typique avec son clocher carré et ses quatre tourelles qui l'achèvent à son sommet. Susan n'est pas au rendez-vous. Le vent se lève, mais le soleil reste. J'aimerais que le temps me permette de rester à l'extérieur jusqu'à 14 h 00...

Cri des mouettes au-dessus des toits. À l'instant, un jeune homme anglais qui demande à partager mon banc. Il mange un sandwich en tâchant, dans le vent, de lire son journal (va-t-il engager la conversation ? est-ce que je le souhaite ?).

 

St Amour. Bonjour amour...

 

13 h 20. Je suis en plein soleil. Il fait bon. Je vais tâcher de ne pas quitter ce banc jusqu'à 14 h 00... Le cimetière autour de l'église. Typique. Juste l'herbe avec les stèles fichées dedans. La majorité des inscriptions sont illisibles. On marche sur les morts ou leurs souvenirs. Quand a-t-on cessé d'y ensevelir ? Où les habitants sont-ils ensevelis, à Ashford comme dans les autres petites villes présentant ce schéma : le cimetière ancien autour de l'église ?...

 

Pluie depuis ce matin. Week-end passé à Campdeville chez Andrew et Caroline partis en vacances. Beau temps, cueillette de fruits. J'y ai entamé L'Été grec dans son édition originale ; j'y retrouve le même plaisir qu'à la première lecture, il y a une dizaine d'années de cela. J'ai entamé la traduction des multiples citations latines relevées dans mes lectures (voir site). Nous y retournons vraisemblablement mardi soir jusqu'à samedi ou dimanche...

 

Autour du parvis, que des maisons basses. Je veux dire ; au plafond bas comme j'en ai vues beaucoup dans le Kent et en East Anglia. Tout en petites ouvertures : portes, fenêtres. Comme celle de John et Terry : il s'en faut de peu que la tête touche le plafond et les fenêtres s'apparentent davantage à des lucarnes... Quelques Indiens croisés à Ashford ; ce qui dénote un peu avec l'aspect très britannique de cette ville... Cela fait le second couple de Polonais qui passe devant moi depuis que je suis assis ici. Nie pamientasz ?, a dit la jeune fille à son ami. Tu ne te rappelle pas ? À l'instant, Brandys parle de l'éditorial d'un mensuel polonais aux propos erronés...

 

La Collection. Solution ? Il me faut une solution avant la fin de l'année. Arrêt ou solution de remplacement. Pour le moins un changement s'impose. Susan me dit qu'il est temps d'arrêter et de passer à autre chose ; travailler à un livre, par exemple. Mais quel livre ? et qu'en ferais-je ? Quel sens cela aurait-il de revenir à une situation antérieure que j'ai sciemment abandonnée, que j'ai voulu fuir, celle des envois aux éditeurs ? Je crois que je ne pourrais le faire, ne pourrais le supporter. J'aurais le sentiment d'une énorme faillite après cette tentative d'indépendance qui, malgré tout, est loin d'être négative et qui, je le crois, ne peut prendre son véritable sens que dans la durée, soit dans l'obstination, la ténacité. Ténacité est mieux. J'ai choisi cette voie ; elle me particularise, elle donne un véritable intérêt et, encore une fois, un véritable sens à ce que je suis. Mais il est un fait que c'est extrêmement prenant et que j'ai besoin de m'en détacher, de respirer, d'y voir un peu plus clair. Saurai-je arrêter durant quelque temps ? Un arrêt provisoire ne risque-t-il pas d'être définitif ?

 

À 14 h 00 tapantes, elle arrivait au rendez-vous. Nous sommes allés au pub à deux pas de mon deuxième banc. Très agréable. J'y retournerai. Ballade rapide dans la ville. Charity-shops, bien sûr. Passage à son bureau où je fais la connaissance de M***, l'assistante d'E*** à Ashford. Nous sommes invités ce soir à un barbecue à Tenderten, dans un golf-club (ce qui, au départ, pour Susan, était une beach-party à Folkestone !).

 

« Bonne éclipse ! » qui va depuis ce matin de couloir en service, chacun se préparant déjà à tâcher de faire au mieux pour qu’elle soit la plus parfaite possible…

 

23 h 20. Je me trouve dans la salle de bains de notre Bed and Breakfast. La fenêtre ne s'ouvre pas, ce qui, contrainte supplémentaire, m'oblige à ne pas fumer, la première étant celle du sommeil de Susan qui est allée se coucher. Je vais sans doute ne pas tarder à l'imiter ; non pas à cause de la fatigue, mais du fait de la contrainte, la seconde en particulier puisque je peux bien écrire ou lire n'importe où, même dans une salle de bains, le cahier sur les genoux, les toilettes à côté de moi...
(Golf-party, assez amusante et très instructive ma foi ; je tâcherai de développer demain...)

 

Ste Suzanne, anniversaire de Francko, jour de l’éclipse. Il est 11 h 30. Verger de chez Andrew. Alternance de nuées et de soleil. Une araignée se dirige vers les citations latines d'Il Fata e il superstituzione. Je lui barre le chemin à l’aide du présent cahier. Je recopie lesdites citations dans mon cahier de latin. Plus approprié et plus pratique. Et puis on a ses habitudes… Sommes arrivés hier soir après avoir déposé Paul (et le chien par la même occasion) chez Nicolas près de Friville-Escarbotin…

 

Deuxième jour de la semaine anglaise. Lever à 7 h 30 ! Full English breakfast in the dining-room. C'est mon premier B & B. Celui-ci est particulièrement charmant et la tenancière sympathique. Énergique, mais sympathique, et drôle. Dans la chambre au-dessus du lit, au lieu de je ne sais quel Constable ou des mouettes à Dungeness, sont accrochées deux reproductions de peintures turques. Près de la porte de la salle de bains, se trouve un troisième cadre comportant un bref explicatif concernant les miniatures turques et la provenance de ces deux-ci, soit le palais de Topkapi...

 

(Penser à parler de la domestication animale, puis du paysage de la Picardie, du Vimeu, de l’Amiénois, du Beauvaisis. Et puis des ciels de Susan…)

 

Je suis dans la chambre. Spacieuse, très agréable, meublée et décorée avec soin et goût.
Il est 9 h 30. J'ai une douleur au côté gauche. Je ne sais trop comment organiser cette matinée.

retour