Troubles de vision.
Est-ce lié à la fatigue ?
Après quelques semaines de soleil,
temps maussade, pluie...

 

Sur l'espace vert qui remplace les usines Phildar se tient un festival : Hestival 98. Fête de l'Hommelet. L'Hommelet est un quartier de Roubaix. Notre quartier. La fête a commencé hier soir et s'achèvera demain. Trois soirées, une scène, divers groupes ou assimilés. Hier, c'était tendance hi-hop, rap. Dans l'après-midi, tout à l'heure, rap. Mais depuis le début de la soirée, c'est franchement arabisant. Du jardin, on entend clairement. Je trouve légèrement déroutant que la fête d'un quartier d'une ville du Nord de la France se fasse aux accents d'une musique qui quoique actualisée, modernisée – et pourrait-on dire occidentalisée – soit si éloignée de ce lieu, de cette ville.

 

Nous partons demain, à 8 heures...

 

Je suis au bureau de Susan. Dans la nuit battent les basses de la fête roubaisienne.

 

10 h 00. Hovercraft. Nous attendons le départ. J'ai entamé Carnets de Brandys. Susan lit Peter Hoeg (?). Il fait beau. Soleil. À 11 h 40, Chilham, après un arrêt à Denton, « village historique » sur la route Folkestone-Canterbury, village sans église, Chilham, The Copper kettle : terrasse, coffee, scones. Un couple à ma droite, la femme assise, lui qui la prend en photo. Elle a un très beau sourire, qui la transfigure tout à coup, alors que l'instant d'avant, je la trouvais très quelconque. À ma gauche, deux Anglaises d'un certain âge qu'il m'est difficile de comprendre. Je lis quelques passages des Carnets 23 à 25 : Mozart, Dieu...

 

Hier, soirée chez Anne, Frédérick et Simon dans leur nouvelle demeure à Lezennes. Loup, gambas dans le jardin. Frédérick me fait découvrir un « nouveau » Beefheart, coffrets composés de chutes, d'inédits. Je lui ai commandé les vinyls (via Thierry Dicule, le bel illuminé de l'Aéronef et de la petite boutique-bar, rue de la Monnaie, aujourd'hui disparue)...

 

Après un peu de Bach (progrès sensibles !), je suis monté à mon bureau.
Saisie en écoutant Bianco et Fernando de Bellini...

 

Après-midi, Dedham, touristes. Promenade par le footpath pour joindre Stattford St Mary à travers la campagne, celle de Constable, Constable qui m'indiffère : c'est la découverte du lieu qui m'intéresse, en effet ravissant : petit cours d'eau à ras des champs, des barques et ses rameurs qui me font penser à La Partie de campagne de Renoir : éclats de rire, légère brise, le soleil, tranquillité et nonchalance, dimanche quiet. Nous discutons de la pauvreté du lieu et de l'inspiration de Constable ; il est assez étrange que de cette campagne somme toute très ordinaire, il ait ressenti le besoin de faire des toiles, elles aussi, somme toute, très ordinaires, ceci explique cela.

 

J'ai fermé le site pour la durée du mois d'août. Les épreuves des Lettres et du Site juin sont imprimées.

 

10 h 30. J'ai deux bonnes heures devant moi. Que faire ? Lire, écrire. Me promener. Quoique Ashford soit une petite ville dont je ferai vite le tour. Peut-être vais-je lever le camp et tester un autre banc ailleurs. Ou une terrasse... Après un petit tour d'horizon de la ville, je suis revenu au point de départ, ou peu s'en faut, à une dizaine de mètres de mon premier banc, terrasse du Grand Caffé où je prends un café. Grosse affluence à l'intérieur, surprenante pour un lundi matin. Je relève le nombre incroyable de bancs publics dans cette ville. Rien que dans mon champ de vision, très limité à l'endroit où je me trouve, j'en compte 14 ! En face de moi, une fontaine qui fonctionne par intermittences. Circulaire. Autour, un cercle de bancs. En grande partie utilisés. Principalement par des gens âgés. Dans une demi-heure, le premier rendez-vous...

 

Il y a une dizaine de jours, on sonnait à la porte. C'était un homme qui m'a demandé si habitait ici un certain Michel X (je n'ai pas saisi le nom). J'ai dit non. Il m'a demandé si j'en étais sûr, car il avait trouvé un permis de conduire au nom d'un certain Michel X demeurant au 74 de la rue du Collège à Roubaix. J'ai répété que non, que personne de ce nom habitait ici. Il est parti... Lorsque je rentre et pour éviter un détour du fait du sens unique de la rue du Collège, j'emprunte une petite rue étroite et défoncée nommée la rue Latine, perpendiculaire à la rue du Collège et débouchant à une vingtaine de mètres de la maison. C'est ce que j'ai fait hier, emprunter la rue Latine, comme à l'accoutumée. Il était 17 h 30. Au milieu de la chaussée marchait un homme. Je roulais au pas, forcé par le très mauvais état de la rue. Je suis arrivé à son niveau, m'attendant à ce qu'il se range sur le côté. Mais il ne bougeait pas, continuait à marcher et ce n'est qu'au dernier moment qu'il s'est aperçu de la présence de la voiture derrière lui. Le pare-chocs était presque contre ses mollets. Il s'est retourné, m'a vu, s'est rangé. J'ai continué de la même allure. Mais je ne sais pourquoi, peut-être son regard posé sur la voiture, cet homme m'a intrigué. Je suis parvenu à l'intersection, dangereuse du fait de la mauvaise visibilité et de la vive allure à laquelle les voitures descendent généralement. Comme à l'accoutumée, j'ai été très prudent, ai mis beaucoup de temps à m'engager sur la chaussée de ma rue. Ce qui a laissé le temps à l'homme de me rejoindre. Comme je m'engageais, il a mis le pied sur le trottoir. J'ai avancé, me suis arrêté pour effectuer un crêneau presqu'en face de la maison. J'ai noté dans le rétroviseur qu'il venait dans ma direction et qu'il considérait la voiture. J'ai achevé de me garer, ai fait le tour de la voiture pour aller prendre sur le siège passager ma serviette et mon blouson. Il approchait. D'un coup d'œil, j'ai noté qu'il regardait la voiture et moi par la même occasion. Il était manifeste que j'étais devenu son centre d'intérêt. Je me suis avancé jusqu'à la porte. Il a traversé et s'est dirigé dans ma direction. Au moment de refermer la porte, je l'ai vu se raviser au milieu de la rue et regagner le trottoir à un endroit proche de ma voiture...

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