Il a redressé la tête et suit la progression de Lucien qui traverse la chaussée, titube en suivant une trajectoire parfaitement oblique au trottoir, qui, du Turandot, le mène directement au numéro 9 où il demeure, points distants d’une cinquantaine de mètres. Tant bien que mal, il se faufile entre deux voitures à l’arrêt le long du trottoir, y disparaît un moment, puis réapparaît sur le bord du caniveau où il s’immobilise un instant avant de poursuivre sa marche jusqu’à l’entrée de l’immeuble où il s’engouffre.
« Sacré Lucien ! »
Il rit, et comme saisi d’une illumination soudaine : DANS LA VIE, ON FAIT PAS TOUT JOURS CE QU’ON (ou CON ?) VEUX. DES FOIS ON VEUT ALÉ TOUT DROIT ET PUIS ON SE RETROUVE A ALÉ DE TRAVERT (il sourit, visiblement satisfait) ET (mais de nouveau une espèce de voile lui tombe sur le visage, l’aveugle, l’égare, le perd) ET...
« Et quoi, bon dieu ? »
Faute de mieux, il survole du regard l’espace de la rue devant lui, puis le tableau de bord, de la droite vers la gauche, jusqu’à sa vitre par laquelle il regarde la devanture du Turandot, puis le rétroviseur de portière dans lequel se dessine tout à coup une silhouette, une forme qu’il lui semble bien reconnaître...