Elle m’était destinée, et je suis allé m’y asseoir. Aussitôt, le cercle derrière moi s’est fermé et dès lors je n’ai plus eu d’autre choix que de jouer.
Les tentures étaient tirées et rien du jour ne nous était connu, et c’est à peine si un son de la rue, de temps à autre, nous parvenait. Comme à l’ordinaire, seuls les deux Gallé et les quatre Daum éclairaient la pièce ; mais, dans leur mouvement pour aller se regrouper autour de la table, les lions non-joueurs les avaient tous éteints, l’un après l’autre, sauf le Lotus de Daum et Majorelle, que Hyacinthe et moi avions soufflé à la barbe des Japonais, chez Sotheby l’an passé.
Il était placé à l’extrême gauche de la tablette de la cheminée, c’est-à-dire au plus près de notre table prise entre l’âtre et la fenêtre, mais ses trois corolles suffisaient à peine à en éclairer la surface : des visages de mes adversaires, je distinguais juste le nez et la bouche, tandis que nos spectateurs n’étaient que des silhouettes dans la pénombre.
Le jeu était déjà au centre de la table lorsque je m’y suis assis. De leur immobilité, j’ai déduit qu’il me revenait d’en disposer. Je m’en suis donc emparé et, après l’avoir soigneusement battu, j’en ai vérifié le nombre des cartes...