Tous deux lestés et André en tête, ils passent le seuil et remontent le couloir. À l’instar de la façade, il est dans un état de décrépitude avancée. Mais aussitôt la porte passée, celle qui donne sur le séjour, c’est l’éblouissement. Tout d’abord, le parquet craquant et encore odorant, puis les murs et le plafond fraîchement repeints de couleurs pastel et de motifs pompeux et somptueux, puis l’âtre où des bûches flambent, et enfin la table magnifiquement dressée : longue et large, elle occupe la presque totalité de la salle et constitue la totalité de l’ameublement.
Quelques lourdes plantes et des lumières artificielles diffuses complètent ce tableau de confort et de chaleur à la veille d’une réception. Du coup, Roger se sent mieux ; c’est là un élément qui lui est davantage familier, encore qu’il lui manque l’hôte, c’est-à-dire le commanditaire, car pas une seconde il n’a cru qu’André ait pu assumer ce rôle, l’autre n’ayant été dès lors qu’un intermédiaire. Rien n’oblige à ce qu’il soit là, à ce moment de la livraison des victuailles dont il a passé commande, mais quelque chose lui dit qu’il est justement homme à être là, à ce moment précis, non pour contrôler ou superviser, mais simplement pour être là, dans cette maison dont il doit être le maître et qu’il n’a pas à quitter sous prétexte qu’elle est occupée par des tâches domestiques...