Et ainsi elle lui parlera, toute une suite ininterrompue de mots étranges, des mots comme il n’en existe que peu, des mots qui en vérité sont totalement incompréhensibles et inintelligibles, c’est-à-dire que l’on ne pourrait comprendre s’il nous était donné de les entendre ou de les lire, des mots qui, bien qu’appartenant à une langue connue, n’auraient strictement aucun sens, alors que pour elle ils en ont un, puisque ce sont ses mots, et alors que pour lui ils en ont un aussi, puisque c’est à lui qu’ils sont destinés et adressés ; des mots à l’agencement et à la cohérence inédits qu’elle profère d’une voix basse et calme, sur un rythme égal et mesuré, d’un ton légèrement flûté ; des mots qui, alors, pourraient prendre l’apparence d’une musique, encore qu’ils ne puissent en aucune manière en être une, puisque son langage a un sens alors que la musique n’en a aucun. Et tous ces mots, elle les lui dit ; et tous ces mots, il les accepte ; il les entend et semble les écouter, sans que rien pourtant ne le laisse supposer puisque pas un instant durant le monologue de Bienvenue il n’a varié sa position ; mais il est hors de doute qu’il les écoute et même y accorde un certain intérêt, car il n’est personne au monde qui soit capable de ne pas succomber au langage de Bienvenue...