... et Quentin est l’une de ses brebis ; Quentin qui est là sur le quai, assis sur un siège de plastique tout contre un distributeur de friandises. Il est assis, la tête baissée. Ses coudes reposent sur ses cuisses et ses mains sont jointes, doigts entrecroisés, comme en prière, et il a la tête baissée au point que son front est presque à frôler ses doigts entremêlés, immobiles, comme lui-même l’est, immobile, comme le sont, lorsqu’il est dans cette position, ses cheveux ; ses cheveux qui lui tombent sur le front, juste quelques mèches pauvres et maigres, des mèches de cheveux fins et un peu gras qui lui effleurent les cils, courbés et comme empesés, et de loin on pourrait croire qu’il s’agit de longues pattes d’insectes endormis.

Il ne lève la tête – et encore parfois c’est seulement son regard qui, alors, traverse les mèches – que lorsque du tunnel surgit une rame ; et ne la baisse que lorsque de l’autre coté elle s’est engouffrée et a disparu. Entre ces deux moments, il la suit des yeux, la fixe d’une manière déterminée, comme si, à cet instant où elle apparaît, il décidait d’en choisir un point – la huitième vitre, par exemple, ou la troisième porte, ou encore la première femme à apparaître à son regard – sur lequel il porterait toute son attention et son acuité, fixité de la pensée qu’il n’abandonnerait pas à l’ouverture des portes et qui lui ferait gommer de sa vue et de son esprit la foule qui se croiserait à ce moment d’arrêt, et même toute autre partie de la rame qui, à cet instant-là comme durant les secondes qui l’ont précédé et celles qui vont lui succéder, n’existerait pas...