J’étais parvenu aux dernières marches et m’étais arrêté là pour lire cette lettre, moment qu’a choisi « ma » voisine d’en face pour pénétrer dans l’immeuble, aussitôt suivie de deux jeunes hommes en habit de soirée, tous deux avec un étui à violon calé sous le bras.

Comme j’étais au beau milieu du passage et gênais, elle a ralenti son allure et m’a prié de l’excuser. J’ai relevé la tête et me suis vu confronté à son visage, à quelques centimètres du mien, qui ne me regardait pas, attendait simplement que je veuille bien lui éviter la peine d’un écart. J’ai dû sursauter, car, à ce moment où je déchiffrais la lettre, j’avais totalement oublié son existence et de la voir là devant moi a provoqué en moi un choc, un choc qui aussitôt s’est mué en le retrait de mon corps du centre de la marche.

Toujours sans me regarder, elle m’a remercié, puis s’est mise à monter, en m’ayant déjà oublié, en s’éloignant de moi, me quittant, et comme je suivais des yeux son ascension – un déhanchement ostensible qui n’était pas loin d’être délibéré –, les deux hommes m’ont dépassé – l’un d’eux m'a heurté – et se sont mis à gravir l’escalier à sa suite...