Mais le plus souvent, j’étais là ; généralement – comme un fait exprès – prêt à partir ; et invariablement, alors que j’étais déjà habillé, ma mère me disait : « Tiens, voilà Édouard. » (Et, par la suite et au fil des visites : « Oh non, voilà Édouard ! », et dans les derniers temps : « Dépêchons-nous avant qu’Édouard n’arrive ! ») Et effectivement, Édouard était là, il arrivait, on le voyait remonter l’allée et, à partir de ce moment-là, il ne décollait plus : de moi, si je partais, car il me suivait, où que j’aille ; de la maison, si je ne partais pas. Impossible de s’en dépêtrer, de lui faire comprendre – mais peut-être, au contraire, le comprenait-il fort bien – que ce n’était pas le moment, que là où j’allais il n’avait rien à faire –, que là où je restais, il ne fallait pas qu’il reste (et il est arrivé plusieurs fois où, mes parents devant recevoir, amis ou connaissances, ou collègues de mon père, personnes qui, de toute manière, lui étaient tout à fait étrangères – et, dès lors, il aurait dû avoir le tact et la politesse de s’éclipser –, où il soit resté : resté lorsqu’ils sont arrivés, resté lorsqu’ils se sont installés, resté jusqu’au bout, assis là parmi eux, mes parents et moi, assis à regarder, à ne rien dire et à attendre je ne sais quoi – en l’occurrence, le départ desdites personnes, puisque jamais avant il ne montrait le moindre signe d’intention de départ et, effectivement, jamais il n’a accepté de se lever avant leur départ, et ce quelle qu’ait été l’heure à laquelle elles s’en allaient...