Édouard avait le chic de surgir à la maison (à l’époque où j’habitais encore chez mes parents) au moment où je m’y attendais le moins, ou, en tout cas, au moment où il allait se révéler le plus indésirable, généralement lorsque je m’apprêtais à sortir, à me rendre en ville, ou chez un copain, à faire je ne sais quoi à l’extérieur, à un endroit autre où, de toute manière, il n’avait rien à faire, qui ne le concernait en rien. À ces moments-là, Édouard arrivait, de son allure dégingandée, avec son grand nez et ses lunettes tristes dessus, et son petit sourire de travers dans lequel je n’ai jamais su s’il y avait de la malice ou non. Édouard s’asseyait, et ne bougeait pas, parlait peu, à peine, et restait là des heures durant, comme ça, à attendre, je ne sais quoi, et je me demande à l’instant – je n’en ai plus le souvenir – de quoi nous pouvions parler, à quoi nous pouvions occuper toutes ces heures interminables pour moi – et pour lui peut-être aussi –, moi qui avec lui n’avais pas la moindre affinité, pas le moindre point commun, hormis celui d’avoir une mère qui avec la sienne se trouvait être sœur...