À une heure vingt, c’est au tour de Pierre-Paul de rentrer chez lui. Il s’arrête de la même façon devant le corps de Lazare, le considère longuement avec une expression d’incrédulité, et si l’on voulait s’approcher, on distinguerait avec netteté deux mots sortant de sa bouche : « oui », « non », ainsi alternés, plusieurs fois de suite, et proférés par deux voix différentes alors que c’est bien la même bouche qui les émet. Puis, en se disant qu’il a dû se tromper d’adresse et de maison, il poursuit son chemin, jusqu’au bar le plus proche, à savoir le Turandot, où, après avoir commandé quelques verres qu’il ne boira pas, il se fait oublier dans les toilettes d’où il ne ressortira que le lendemain matin.
À deux heures dix, Julie et Gautier sortent du Turandot à la suite d’autres personnes qui se lancent encore quelques blagues avant de se séparer. Enlacés, ils remontent doucement le trottoir jusqu’au cabinet de Martine devant lequel ils s’embrassent longuement. Puis ils traversent la chaussée, de biais et à très lente allure, pour aboutir devant la façade du numéro 23 où ils s’embrassent de nouveau. Puis ils poursuivent leur chemin, jusqu’au 31 où Julie brusquement force leur arrêt : elle tend le bras en direction du trottoir d’en face où l’on distingue une forme sombre étendue. Durant un moment, ils l’observent en silence et sans bouger. Puis, optant pour la version classique de l’ivrogne en bout de course, ils se remettent en marche jusqu’à l’angle de la rue et du boulevard qui bientôt les efface...