Julienne dispose d’un double de toutes les clefs, de la porte d’entrée principale jusqu’à l’armoire de toilette de chacune des chambres. Elle les a sur elle en permanence : le jour, dans la poche droite de son tablier ; la nuit, dans la poche gauche de son gros gilet. Et ce jour-là n’a pas fait exception : c’est bien dans la poche droite de son tablier qu’elle les tenait, gardées au chaud dans son gros poing serré.

Il était 19 h 15. Elle regardait la télévision, tandis que son époux dans la cuisine achevait son morceau de Brie. C’était un jeu télévisé, qu’elle affectionnait tout particulièrement et suivait avec des ponctuations de trémolos et divers commentaires destinés à exhorter ou à réconforter les candidats. Et ce jour-là n'a pas fait défaut ; à cette différence près qu’à un moment donné il n’y a plus rien eu, que tout à coup elle s’est tu et il n’y a plus eu que le son du téléviseur qui solitaire, a lancé une ritournelle publicitaire que d’ordinaire elle accompagnait de la voix. Et lui qui terminait son fromage l’a remarqué, et s’en est étonné, et immédiatement après s’est rendu dans le séjour – qui leur sert aussi de chambre à coucher – où il l’a trouvée effondrée au pied du fauteuil...