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1991

 

*

 

3 mars

 

Gainsbourg est mort. Devant chez lui, des centaines de pékins s’amassent on ne sait pourquoi. Pour voir quoi ? entendre quoi ? savoir quoi ? Je ne comprends pas… À la télé, les images défilent, des témoignages, des hommages, des coups de chapeau, des « c’est un génie », des « tout le monde l’aime », des « c’était un écorché vif » et on le* voit pleurer à côté de Sébastien, au même titre que Linda de Suza, Jean Lefebvre, Rika Zaraï, Mireille Darc, Frédéric François ou la grande saucisse qui tous ont pleuré devant une caméra et qui dès lors sont tous aussi des écorchés vifs… Demain paraîtra dans Libération une interview exclusive de lui. C’est lui qui l’a voulu ainsi – « après ma mort » – mais il n’empêche que c’est là une belle aubaine… Michel Drucker a dû courir toute la nuit pour préparer son émission de demain et rameuter tous les proches qui viendront évoquer et témoigner – il ne sera même pas encore enterré –, tous ceux qui ne serait-ce que par respect (ou amour ou amitié) feraient mieux pour une fois de rester chez eux. Mais ils seront là tout de même (j’ouvre les paris : la saucisse sera là, mais pas Dutronc)…

Quelque part en France, des rotatives tournent à plein régime – image, puisqu’il n’y a pas de rotatives pour ce genre de publications, mais la fameuse CAMERON, l’immense mangeuse d’hommes et de mots – afin que sorte dès demain ou après-demain je ne sais quelle biographie ou écrits posthumes que des équipes spécialisées gardent au chaud depuis quelques mois dans l’attente de la disparition de l’intéressé… Un imbécile à TF1 a qualifié les Sucettes à l’anis de chanson mièvre, Sur FR3, il y a la rediffusion du Divan, que j’avais déjà vu, et que j’ai revu. La speakerine auparavant nous a prévenus que ça allait être émouvant. Parfois, la météo, parvient aussi à me tirer des larmes…

Gainsbourg dit qu’il pratique un art mineur, qu’il n’y a art majeur que s’il y a initiation. Il dit aussi qu’il a du talent, mais certainement pas de génie. Il dit encore qu’il faut créer, sinon l’on est fichu, ne jamais arrêter de créer, sinon c’est la stagnation. Il dit encore que les excès, c’est se flinguer pour mieux renaître…

Je me souviens d’une émission où Sébastien, odieux mais habile, l’avait tancé d’un ton tout à fait sérieux et grave : « Vous savez que ce n’est pas beau de boire comme ça ? vous pensez à tous ceux qui vous aiment ? », ou quelque chose comme ça… À ce moment-là, j’ai haï Gainsbourg d’avoir été là.

Je trouve que mon Adjani a pris un curieux poids…

Place à Guénolé...

 

* ce n’est pas une faute de frappe, c’est bien ce que porte le manuscrit ; est-ce « les » ? (note du 14 septembre 2021)

 

 

9 mars

 

En tapant aujourd’hui la semaine du Rapport – la quinzaine précédente n’est toujours pas photocopiée et donc pas envoyée –, je me suis rendu compte que très peu de lignes avaient été consacrées au journal. Est-ce dommage ? Je ne sais. Certainement n’y a-t-il rien eu qui vaille la peine d’être rapporté...

 

 

15 mars

 

Bonne fête Louise, et bon anniversaire à moi...

Lévénement de ces deux jours, hier aujourd'hui, est évidemment la réception de mon très beau cadeau. Que jai écouté cette nuit après avoir rédigé la lettre.

Au fait, t’ai-je remercié ? (mais est-ce bien la peine, tu te doutes bien du plaisir que ça m’a fait, cela sans que je te le dises [sic]…). On a beau dire que les petits riens suffisent amplement au plaisir, les grands touts sont bien aussi...

Me reste une demi-page de ce cahier-ci pour m’occuper de Louise. Ça tombe bien, il est 3 h 40...

 

 

16 mars

 

[...] Une fois rentré, j’ai feint d’ignorer l’alcool (mauvais) et la fatigue (pernicieuse) et en ne me sentant pas en forme pour écrire, j’ai décidé de poursuivre ma lecture de mon (ton, notre) Breton. J’ai évidemment lu deux lignes. Alors, je me suis décidé à une petite écoute. La Bohème, par exemple. J’en ai écouté vaille que vaille une face avec deux accès de somnolence [...]. Alors, je me suis résolu au sommeil. Mais auparavant une cigarette que je suis venu fumer ici, dans le bureau. Tu connais le piège du bureau. Ça n’a pas loupé, me voilà en train d’écrire et à me préparer une seconde roulée... Cependant, je ne pense pas pouvoir passer au Rapport. Je n’ai pas tout à fait les yeux en face des trous (belle expression tout de même). C’est dommage car je m’étais préparé (mentalement) un très beau texte pour Bénédictine qui m’a été inspiré par une gamine que j’ai matée cette après-midi et qui m’a profondément troublé...

Je pense que Bénédictine (qui de toute manière ne lui convient pas) sera le plus court du lot...

 

21 mars

 

Du fait de ce que j’appellerais momentanément ma gastrite, j’ai pris un prénom de retard (et heureusement que j’avais quelques ébauches d’avance). Je l’ai rédigé cette après-midi. Sans grand enthousiasme, et j’appréhende un peu Clémence dont je dois me charger aussitôt ces lignes écrites. Je crains que je ne sois dans un creux.

SdeF stagne un peu...

J’avais trois concours en vue pour le 31 de ce mois. Je n’ai absolument rien commencé et n’ai pas l'intention de le faire, et rien de ce que j’ai ne peut convenir. Pas question d’écrire trois textes de commande (et sur commande). J’en ai un peu assez des concours, même si, comme c’est le cas, ils sont richement dotés. De toute manière, j’ai eu ma période et je ne gagnerai plus rien...

 

 

23 mars

 

[…]

 

Note du 29 décembre 2000 : ce jour a été exclusivement consacré à la narration de la deuxième rencontre avec la « nymphette ». C’est la conclusion du rapport de cette rencontre qui a été « récupérée » pour servir de texte à Victorien...

 

 

25 mars

 

Léa et l’image paraîtra dans la revue NYX d’ici quelques mois...*

Nous étions en train de manger quand le téléphone a sonné. L*** a décroché. C’était Roland Échignard de la revue NYX. Je connais la revue pour lui avoir envoyé plusieurs textes, je connais l’homme pour avoir vu son nom au bas d’une lettre de refus il y a plus d’un an... Que me voulait-il ? je n’en avais pas la moindre idée. En trois mots, j’ai été éclairé : suite à mon envoi de trois textes datant de juin 1990, il me prenait Léa et l’image, plus, pas vraiment décidé encore mais quasi sûr, La petite Anglaise** (qu’ils ont préféré au Souvenir, comprenne qui peut !).

Après plus de deux ans sans avoir vu un seul de mes textes publiés, je n’ai pas été plus réjoui que cela. Mais ça m’a fait plaisir tout de même, d’autant que NYX est une revue de littérature générale...

Vendredi, je me suis décidé d’un coup à participer aux deux concours dont la clôture est le 31 mars. Pour le premier, je propose Max dans une version légèrement remaniée, c’est-à-dire expurgée de son côté « fantastique ». Max n’a pas la moindre chance, mais du moins il les secouera un peu... Pour le second, concours de nouvelles policières, j’ai pensé au fiasco qu’est L’homme à la terrasse. Cela faisait longtemps que j’avais l’intention de le refaire. C’était l’occasion. Mais ça me prend beaucoup plus de temps que prévu : tout le vendredi, le samedi entier, le dimanche matin – puisque l’après-midi, anniversaire oblige, a été familial – et il n’est toujours pas achevé. Faut que ça parte vendredi au plus tard. Je pourrais laisser tomber mais j’en ai déjà fait quinze pages dont je ne saurais que faire si j’abandonne. Alors, va falloir que j’y consacre toutes mes soirées et nuits jusqu’à jeudi soir. Ce n’est pas gagné...

Du fait du concours, le Rapport*** souffre d’un net ralentissement...

 

* Le Lys l’a republiée en 1998 sous le titre Véra et l'image

** disponible également chez Le Lys, recueil dans lequel figure aussi Le Souvenir (publication de 1996)

*** il est étrange qu’après plus de deux mois d’écrits et alors que la rue V. est définitivement installée, je continue à employer le mot « rapport »...

 

 

28 mars

 

Coup de barre phénoménal. C’est l’une de ces soirées où j’ai envie de tout arrêter : le Rapport qui a pris un peu de retard à cause des concours, les concours eux-mêmes qu’en préparant pour leur envoi demain, j’ai tout à coup eu envie de ne plus envoyer du tout...

La sirène de Léo a cassé sa chaîne. Mais un haut-fond, dans lequel elle s’est ensablée, l’a retenue, et une équipe est allée la chercher. Dans quelques jours, elle regagnera sa place que sans nul doute elle occupera pour l’éternité car désormais elle figure sur les cartes marines...

Je viens de faire Habib qui concernait le texte d’hier. Aujourd’hui, c’est Gontran qui ne m’inspire pas et ne s’insère pas dans les notes – cinq ou six – que j’ai prises pour suite d’histoires déjà entamées. Cela m’a fait me rendre compte que quelques unes d’entre elles – notamment les huis clos – vont aboutir dans une impasse car je ne peux raisonnablement faire entrer dans des appartements, et l’un après l’autre, toute une théorie d’individus... Si je me fais bien comprendre...

 

 

1er avril

 

Aujourd’hui commence le quatrième mois du Rapport. Hardi, les gars, nous y sommes presque !...

 

3 avril

 

Pour accompagner cette lecture* (alternativement et non simultanément), une gigantesque illumination musicale : l’opéra de Stockhausen, Samstag aux Licht. C’est tout simplement prodigieux, je n’ai rien écouté de tel depuis des années...

Pour clore cette journée, commencée exécrablement dans les affres du porte-monnaie (que font les gens dans mon cas qui n’ont pas Vonnegut et Stockhausen sous la main ?), une rencontre très étrange dans le train, la première du genre depuis bientôt deux ans que je le prends... Je te la raconterai bien par le menu, mais il est tard et j’ai encore Richard à rédiger...

Mais sache qu’elle s’appelle Carmela Belmonte, qu’elle a trente-neuf ans, qu’elle est née à Lens, habite Strasbourg, a deux enfants dont l’un a dix-huit ans, qu’elle vit séparée d’un bisexuel qu’elle aime et qui l’aime mais les choses dans un cas pareil ne sont pas aisées, qu’elle écrit des poèmes – l’un d’eux a été le prétexte pour venir s’asseoir à côté de moi alors que j’étais plongé dans Hocus Pocus –, qu’elle a écrit un livre sur la bisexualité, essaie de se faire publier chez Gallimard ou alors aux États-Unis en italien, qu’elle trouve que je ressemble à un acteur dont elle a oublié le nom, qu’elle me donne vingt-sept ans, me trouve de bonnes vibrations, qu’elle m’a montré ses photos de famille, m’a invité chez elle à Strasbourg – adresse griffonnée sur un marque-pages –, qu’elle aime bien Brel, trouve que la vie c’est pas facile, qu’elle sort d’une dépression nerveuse et trouve que beaucoup d’Italiens se marient avec des Polonais...

Je n’avais qu’une seule idée en tête : arriver et filer...

 

* Hocus Pocus de Vonnegut

 

4 avril

 

Lautréamont et Stockhausen. Alternativement. Soit Maldoror et Lucifer. L’un après l’autre. L’arrivée de l’un saluant l’adieu et le départ de l’autre...

Hier, l’un de mes collègues, type avec qui je bosse et que j’initie à la lecture – et comme je peux et vaille que vaille à la littérature – me demande si j’ai lu Les chants de Maldoror. Je dis oui, et il me demande ce que j’en pense. Je dis que c’est un livre mythique, livre unique d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, mort prématurément. Livre mythique, et unique dans tous les sens du terme, mais quant à ce qu’il contient, il y a trop longtemps que je l’ai lu et j’avoue que je ne m’en souviens pas très bien. Et puisqu’il m’en parle, je décide tout à coup de le relire. Et ce matin, effectivement, je glisse dans mon sac Les œuvres complètes de Lautréamont, c’est-à-dire Maldoror, plus des poèmes, des lettres. C’est tout pour l’intégrale. Et effectivement je me mets à le relire, et le relis comme si je le découvrais...

À noter qu’aujourd’hui est la saint Isidore. Comme c’est curieux...

 

 

6 avril

 

(rédigé le lundi 8, à 23 h 45, dans un état d’extrême fatigue et une vague absence mentale)

Hier, buffet de la gare de Lys. J’attends Léo avec qui je dois prendre le train du retour. Ce week-end doit être consacré à la réalisation d’une bande magnétique qu’il doit fournir le mercredi 10 pour une intervention artistique dans une classe de cinéma. Nous nous y mettons dès le soir, ça nous prendra jusqu’à dimanche soir, d’où arrêt de toute activité, notamment le Rapport qui se retrouve avec trois saints de retard. Je ne me sens guère le goût d’écrire, ni l’envie, ni la force. Mais prendre encore un retard me fera me retrouver avec quatre textes à rédiger demain soir...

 

 

15 avril

 

Je me suis réveillé avec un fort râle pulmonaire. Ça gratte, ça racle. Je tousse. C’est douloureux. Ça n’a fait que s’accentuer et je ne suis pas très en forme. Le prénom d’aujourd’hui, Paterne, ne fait pas pour améliorer les choses. Paterne. Est-ce un prénom, ça ?

J’ai passé le week-end sur le journal et le Rapport, plus le plan général de la rue que tu recevras avec le Rapport. Je pense que je vais changer de méthode et taper J. et R. au fur et à mesure, car cinq à six heures d’affilée pour une simple frappe, c’est épuisant...

Le Rapport m’accapare de plus en plus. Tout cela prend de l’ampleur, de la complexité et je commence à m’embrouiller. Il faut que je fasse de plus en plus attention à élargir le champ des personnages sans trop perdre de vue ceux déjà installés. En refaisant le plan au propre, je me suis aperçu que j’avais oublié certains personnages, dont Guénolé dont la première et seule apparition date du 3 mars. Je ne peux plus du tout me permettre d’aller au hasard, il faut que je pense sans cesse aux « itinéraires » déjà tracés, faire en sorte qu’ils ne s’oublient pas trop mais en même temps en créer d’autres. Si le caractère « brouillon » de l’ensemble (brouillon dans le sens de brouiller) est voulu, il ne faut pas non plus que ça devienne le bordel... Tes récentes réactions ne me stimulent guère. Il faudrait peut-être que je prenne un second lecteur qui découvrirait et lirait les textes en bloc et non comme toi, par envois séparés et irréguliers. Ça me semble normal que l’on s’y perde, mais je ne pensais pas que c’était à ce point-là...

SdeF est de nouveau en plan. J’ai décidé de l’oublier jusqu’à la fin du mois, puis de lui consacrer entièrement la première quinzaine de mai que je vais prendre en congés. Jusqu’à cette date, je ne penserai qu’au Rapport.

Il est minuit et demi et Paterne me laisse complètement froid...

 

Note du 2 janvier 2001 à la saisie : dans le texte Paterne, la rue se nomme encore L. et non V. (encore que j’aie eu la surprise de trouver, en date du 28 janvier, la mention de Rue V. dans le titre)...

 

18 avril

 

Nouveau cahier que je célèbre à ma manière par une petite crève et qui là, à près de minuit, me voit indécis quant à la suite à donner à cette soirée : dodo ou écrits ?... J’irai bien me coucher, ce serait le mieux que j’aurais à faire, mais voilà, tu sais comme je suis, il me faut le brouillage complet, la perte de contact, la chute de la tête en direction du sous-main pour que je consente à aller au lit... Il y a encore dix minutes, le nez sous une serviette et dessus un bol fumant de je ne sais quelle décoction destinée à déboucher les narines obstruées, je me sentais prêt pour l’édredon et l’oreiller. Mais une fois monté, l’appel du bureau a été le plus fort et me voilà disposé – du moins, je l’espère – à attaquer Parfait…

Ce midi, je t’ai envoyé la suite du Rapport, soit un bon mois bien tassé, pas loin de soixante pages. Lis bien et retiens bien tout, je prévois une interrogation pour la fin du premier semestre...

En parallèle*, Guermantes II et Sodome I, je poursuis, après une longue pause, ma relecture de la Recherche. Dois-je en dire davantage ?... La magie reste intacte, est même accrue. C’est encore meilleur en relisant : redécouvrir, reconnaître, et même souvent découvrir. Ainsi deux faits que j’avais complètement oubliés et qui s’avèrent [sic] éclairer d’une tout autre lumière l’un des points scabreux du Temps retrouvé, je veux parler de l’homosexualité de St Loup. Tout le monde, et moi en premier, y avait vu une certaine légèreté de la part de Proust. Mais en relisant, je m’aperçois que ce n’était pas si léger et gratuit que ça, car déjà à la page 89 de mon exemplaire de 1933 je découvre un certain doute quant aux mœurs de St Loup et de ses trois autres camarades (la bande des quatre qui couchent ensemble dans les châteaux), ce qui m’a fait rappeler un autre détail, celui-là à la page 164 de mon Guermantes I de 1929, qui est les propositions faites à St Loup par un passant dans la rue (St Loup réagit violemment, mais il n’empêche que la chose est posée)...

Pour le reste, je ne saurais trop te conseiller d’en faire autant. C’est admirable, je suis encore tout autant bouleversé...

 

* avec The Garden Party de Katherine Mansfield

 

 

21 avril

 

J’ai retrouvé dans un tiroir un vieux texte (juillet 1981) dont j’avais totalement oublié l’existence. Je l’ai relu. Ça s’intitule : Le père, les fils et l’esprit ou la Trinité noire – sauf le véhicule qui est ocre et Marie qui est rose. Oui, tout cela... Malgré son côté furieusement (et délibérément) science-fiction, j’y ai relevé plein de choses étonnantes. Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris (oui !), mais je dois dire que ça m’a plu... Je me demande dans quelle mesure je ne t’en ferai pas profiter. Histoire de voir… Place à Anselme...

 

 

27 avril

 

Pour ces deux premiers jours de congé, j’avais décidé de décréter le repos. À savoir que je ne toucherais pas à la machine, n’ouvrirais pas une seule chemise, pas un seul cahier, pas un seul dossier. Aujourd’hui et demain, je ne fais rien, et lundi je me replonge dans S. de F. (comme c’est amusant ce genre de résolutions, comme si je ne savais pas que ça ne marche jamais ! et déjà j’ai peur par avance de ce lundi et des jours qui suivront qui selon toute probabilité vont me voir stérile, irrité, excédé, dégoûté, furieux et désespéré !).

Aussi ce jour a été consacré à la lecture et au jardinage : le Ste Beuve que je poursuis avec bonheur (autant à cause de son contenu que du cerisier sous lequel je l’ai parcouru) et tout le parc que j’ai taillé, tondu, désherbé, rafraîchi – vise mes doigts dans quel état ils sont...

 

28 avril

 

Proust, Yourcenar, la frappe du Rapport, et à présent le Souvenir des Déportés (beau programme) avant l’abord d’une relecture sinon complète du moins partielle de S. de F.

Je crois bien qu’exceptionnellement je vais faire l’impasse sur le Rapport. Et quoi de mieux que le silence (le blanc) pour célébrer le souvenir des déportés ?...

 

 

1er mai

 

 [...] Pour le reste, repos pour le Rapport, frappe du Journal et de la suite du Rapport, frappe de divers brouillons concernant SdeF qui s’il n’avance pas vraiment (mais il me reste dix pages à écrire, dix pages finales !) s’est tout à fait installé... En fait, le plus difficile et le plus long ne sera pas de le terminer (quoique je m’avance beaucoup), mais de le remanier, de le corriger, ce qui va me prendre un temps énorme de frappe pure ! Quelle corvée !...

 

Note du 26 juillet 2021. Je suis stupéfait que je n’aie pas fait part à B*** de cette sensation de joie pure, proche de l’extase, qui m’avait empli lorsque je m’étais rendu compte que le 1er mai était la fête du travail et que je pouvais donc me « reposer »...

 

 

5 mai

 

Aucune nouvelle depuis jeudi. Je parle des miennes. Suite du journal interrompu à cet endroit, et que je veux reprendre ici, encore que je me demande pour quelle raison puisque sous peu nous nous verrons... Oui, au fait, quoi dire ? d’autant que ces jours ne se résument qu’à ces deux seules choses que sont SdeF et le Rapport. Alors ?...

 

7 mai

 

SdeF m’absorbe complètement. Pour paraphraser Lautréamont, je dirai que les émanations charmeuses de ce texte imbibent mon âme comme l’eau le sucre.

À la veille de ton arrivée, soit dans quelque dix-huit heures, j’en ai presque terminé. C’est du moins ce que je me disais en fin d’après-midi lorsqu’il me semblait qu’il ne restait plus (quelle assurance !) que la page finale et les corrections.

Mais à la certitude succède le doute, et à la confiance, la peur et le dégoût. En survolant mentalement l’ensemble, je ne suis plus sûr de rien, et en considérant le temps que me prendra encore toutes les corrections – travail immense, du page par page, et l’ensemble a dû presque doubler –, je me demande si j’aurais le courage : combien de temps tout cela me prendra-t-il avant que je puisse dire, enfin, voilà c’est fini ? et comment se fait-il que je sois encore intéressé, attiré par ce texte après tout ce qu’il m’a coûté ?...

Quoi qu’il en soit, je remarque depuis trois jours une baisse flagrante – de qualité et d’intérêt – des textes du Rapport. Est-ce lié ? Je pense qu’il n’y a pas eu plus nul que les trois derniers textes que j’ai écrits contraint, forcé, et ça ne m’est pas arrivé une seule fois depuis que j’ai commencé. Si nul que j’ai eu envie de tout arrêter (comment cela va-t-il se passer durant ces quatre jours ?)...

 

 

13 mai

 

J’étais décidément trop défait, trop las, trop absent pour espérer ce matin pouvoir me lever et, semblant de rien, me rendre au bureau. J’ai donc profité de cet avantage que m’offre le fonctionnariat – celui d’être complètement remplaçable – pour m’octroyer une journée supplémentaire de congés : pour cela, un coup de fil ce matin a suffi, il n’y a même pas à demander, mais simplement à dire, imposer...

Il y avait la fatigue et tout le reste, tout ce qui est lié à ces quatre journées particulières, mais aussi le travail à reprendre – le vrai –, et je devais le faire au plus vite, sans réfléchir, sous peine de voir une semaine entière s’écouler qui aurait entraîné avec elle un retard supplémentaire et surtout beaucoup de paresse. Retard du Rapport, mais aussi de SdeF qui désormais ne peut plus se permettre le moindre délai : il n’y a plus que la scène finale à écrire et les dernières corrections à apporter...

Le Rapport : tu arrivais le mardi soir ; j’ai donc écrit Gisèle le jour même en me disant absurdement que je parviendrais bien à rédiger le saint de chaque jour, serait-ce entre deux bières, durant ton séjour. Quel con, comme si un tel projet pouvait marcher... Néanmoins, j’ai pu « profiter » du mercredi après-midi, que tu m’as gracieusement offert, pour rédiger la Victoire du 8 mai, puis avancer dans mes corrections. Que pouvais-je faire d’autre dans de telles circonstances ?... En ce qui concerne le reste, j’ai tout remis à plus tard, c’est-à-dire à aujourd’hui, et plus précisément de 17 h 00 à 19 h 00, deux heures durant lesquelles j’ai réussi à tout rattraper. Ça m’a beaucoup étonné. C’est court, soit, mais tout de même, je m’attendais à mettre je ne sais combien de temps pour me remettre à jour, et rien que cette idée me décourageait, à tel point que j’ai eu envie de tout abandonner (oui, encore). Mais voilà, c’est fait, l’Ascension, Estelle, Solange, Jeanne d’Arc, et même, il y a à peine un quart d’heure, Rolande que je pensais pourtant remettre à demain...

Le reste de la journée, c’est-à-dire toute puisque malgré tout je me suis levé tôt, je l’ai passé aux corrections de SdeF, qui d’ailleurs avancent plus vite que prévu... Je ne désespère pas d’avoir achevé le tout pour la fin du mois...

Le journal, évidemment, s’est interrompu. Tu le connais aussi bien que moi ; journal en direct, en quelque sorte. Néanmoins, il reste le point « sauvageonne » (puisque toi-même as repris le terme) qui t’est inconnu. Je te le narrerai demain soir, si tu le veux bien, puisqu’il est deux heures passé et que demain il faudra bien y retourner...

 

 

14 mai

 

Perturbation SNCF. Première journée de travail. Une journée suffit pour que j’en ressente le soir la fatigue caractéristique. Plus la lassitude, plus l’appel à la paresse et à la mollesse...

Matthias – avec deux « t » ? – ne me dit rien qui vaille...

 

 

23 mai

 

Quatre jours pleins se présentent à moi. Je me demande ce qui va bien en ressortir...

Le Rapport va son train. SdeF aussi. Léa doit paraître début juillet dans NYX (j’ai corrigé les épreuves ce week-end).

J’ai gagné le sixième prix du Concours  de la Nouvelle policière à Outreau. Sixième, pas moins. En quoi consiste-t-il ? je n’en sais rien. Je dois aller le chercher dimanche. Je n’irai pas, évidemment. À suivre...

 

 

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