En ce dimanche de l’Immaculée Conception, Marcelin songe aux nichons de Marie-Madeleine et se dit qu’il n’est pas possible qu’une telle candeur, voire bêtise, puisse s’accorder à une telle présence de chair, et, bien qu’il ait vu par deux fois son ventre outré et l’ait surprise une fois, la jupe retroussée, nouée à Anthelme, dans la chambre d’enfant du second, il ne parvient pas tout à fait à croire que ses deux petits-fils en soient issus, ni à l’imaginer tout bonnement allongée et les jambes ouvertes ; et en songeant à ses petits-fils, il lève le regard sur les rayonnages de sa bibliothèque, et plus précisément sur la troisième étagère de la lettre « A » où repose le magnifique petit livre à la couverture de tissu pourpre, édition anglaise du début du siècle, de Selected Poems de Matthew Arnold, ouvrage que Donald, l’aîné anglophile, lui a tout spécialement rapporté d’Angleterre il y a quelques mois. Il en revenait, effectivement, mais les mains vides, en tout cas pas pleines de ce livre-là qui, pour tout voyage, n’avait dû effectuer que le trajet qui séparait ladite bibliothèque de la maison de l’attentionné garçon qui, misant sur la mémoire défaillante de son grand-père, avait eu cette savoureuse idée de lui faire présent d’un livre lui appartenant déjà (et il est vrai que s’il n’y avait eu la petite tache d’encre qui macule le portrait du poète en frontispice, il ne se serait vraisemblablement pas souvenu d’avoir possédé un jour ce livre-là) ; et la pensée de cet ignoble tour, doublé par ce que lui, Marcelin, prend comme une insulte à son égard, ne fait que le conforter dans l’idée que, au moins pour cet enfant-là, Marie-Madeleine ne peut être que chaste...

 

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