La rue est en retrait, en dehors, en décalage avec le reste de la ville qui vit et remue alors qu’elle, simplement, se repose. La rue est en repos. Il y autant de voitures qui bordent ses trottoirs que dans les autres rues, avenues et boulevards de la ville, mais celles-ci sont à l’arrêt, semblent être perpétuellement à l’arrêt, juste posées là comme pour donner son caractère urbain à la rue, comme pour la rendre crédible, et les rares qui y passent dans la journée paraissent être égarées, s’être égarées dans cette portion particulière de la ville que l’instant d’avant elles ne soupçonnaient même pas qu’elle ait pu exister. Alors, elles ne font que passer, juste passer, sans jamais s’arrêter – mais où s’arrêter ? comment stationner ? –, passant vite pour en sortir au plus vite, encore que cela ne soit qu’une impression car l’on peut constater qu’en fait elles décélèrent, ralentissent – tout autant pour ne rien déranger, ne pas troubler, que pour mieux regarder, examiner – et la vitesse n’est alors qu’un effet de l’imagination du conducteur, ou du moins un reflet premier de sa volonté, de son désir, le second étant tout à la lenteur qui lui permettra la discrétion et la contemplation.
Le quartier n’est ni populaire, ni résidentiel : il est urbain. Et ainsi est la rue : simplement urbaine. Il n’y a que des immeubles d’habitation, dont la grande majorité sont du début du siècle, sans qu’ils soient pourtant réellement typés : on le sent, on le sait, et l’on devine qu’en majorité devaient y demeurer des familles de petits bourgeois...