Tout reprend son cours, comme avant, comme toujours, et si l’on veut y réfléchir davantage, on découvre une idée plus intolérable qui veut que le mouvement dérobé à l’immuable est encore de l’immuable, que les vacances arrachées au travail sont plus que jamais du travail, que le temps volé à lui-même ne reste que ce qu’il est, c’est-à-dire une totale et effroyable vue de l’esprit. Les habitants de la rue V. l’ont bien compris, qui, à de rares exceptions près, sont restés chez eux. Comme ils ont compris qu’il ne servait de rien de se préoccuper d’avenir et de passé puisque tout était présent, ni de toute forme de souvenirs puisque eux-mêmes étaient mémoire. Aussi, de même qu’une fiche sur un tableau de standard téléphonique admet n’importe quel orifice pour quelque distance que ce soit sans pour cela que sa structure moléculaire en soit modifiée, et qu’un homme qui se réveille à Paris entre en même temps dans son lit à New-York, chacun d’eux se meut et s’immobilise, s’agenouille et se redresse, rit et pleure tout à la fois, mange et rejette, aime et déteste, meurt et renaît, et alors que les uns en ce premier jour du neuvième mois se figent (mais emplis de souvenirs qui leur sont une mobilité), les autres, jusqu’à ce jour figés (mais après avoir trépigné dans l’attente de souvenirs qui plus tard leur seraient motilité) s’ébrouent et s’agitent, prêts à reprendre leur marche pour un nouvel et vrai assaut du temps...