– Entendu quoi ?
– C’est justement ce que je veux savoir.
– Justement, je n’ai rien entendu. Si ma femme vous a dit le contraire, elle s’est trompée, ou alors elle vous a menti.
– Elle n’a pas dit que vous aviez entendu, mais qu’il y avait toutes les chances, du fait de la mauvaise insonorisation de l’immeuble, que vous ayez entendu quelque chose. En d’autres termes : s’il y avait eu quoi que ce soit de sonore au-dessous, vous n’auriez pas manqué de l’entendre et même que vous n’auriez pu faire autrement que de l’entendre, et ça me semble d’autant plus logique, et même obligatoire, que vous vous étonnez de ne jamais rien entendre, vous étant elle et vous puisque vous êtes deux à constater la chose, mais vous seul ayant un avantage certain sur elle du fait que vous ne quittez pas l’appartement puisque vous y travaillez, et puisque vous ne le quittez pas, vous êtes à même de pouvoir juger au mieux de la qualité du silence – surprenant, voire étonnant – qui caractérise l’appartement du dessous, donc sa locataire. Ayant noté ce silence non coutumier et en en ayant été intrigué, il me paraît inévitable – quoique ça reste certainement du niveau de l’inconscient – que vous soyez sans cesse aux aguets, à l’affût, et que le moindre bruit ou son, aussi infime soit-il, aussi anodin puisse-t-il être, un bruit qui n’importe où ailleurs ne serait même pas remarqué du fait de son caractère de banalité et de quotidienneté, que ce bruit donc soit immédiatement perçu par vous. Et j’en arrive à ma question : ce bruit, l’avez-vous entendu ?...