Il s’étonne de cette constance, puis se félicite de ce nombre qui, quoique inférieur à ce qu’il faudrait – c’est la faute à l’école, aux copains, au sommeil (encore qu’il ne mentionne pas les revues, comme le GRANTA du trimestre qu’il a omis, cette fois, de rapporter) –, lui semble tout de même digne et honorable. Aussi il sourit, et presque machinalement, gonfle le torse, satisfait, et en même temps soulagé, car désormais il sait combien de livres il lui faudra emporter pour son mois de juillet sans craindre une pénurie, pratiquement inévitable dans le lieu où il va séjourner.

Ne reste plus qu’à les choisir, c’est-à-dire à les prélever des rayonnages de sa bibliothèque personnelle dont trois étagères sont exclusivement réservées à tous les livres en souffrance (c’est-à-dire qu’ils souffrent, souffrent de n’avoir pas été lus encore) qu’il nomme ses lectures « en retard ».

De son bureau, il les considère. Puis se lève, s’en approche et devant eux s’accroupit ; et là survole les dos, puis une à une les détaille, puis s’arrête à l’un d’eux ; sa main alors se tend, sort le livre, puis se cale dessous tandis que l’autre l’ouvre et le feuillette.

Durant un instant, il est séduit, puis presque conquis, et comme il s’apprête à le poser à côté de lui, donc à l’élire, un vide tout à coup se fait en lui et toute envie s’échappe, s’enfuit, et il décide que ce n’est pas le moment, que pour ce livre-ci il faudra attendre, chaque livre a son moment et, pour celui-ci, le sien n’est pas encore venu...