Et il raconte alors comment la peur est intervenue, comment elle les a instantanément saisis tous les trois, c’est-à-dire Serge et lui, Firmin, mais aussi elle, Nathalie, elle qui, bien qu’elle ne les ait pas vus, ne se soit pas su observée – ni par eux deux, ni par quelque autre personne de la rue, alors que déjà bon nombre de personnes assistaient à la scène – et ignorait donc tout du sentiment qui alors les agitait, a laissé se répandre dans tout son corps et sur son beau visage une peur immédiate et terrible, une peur parfaitement identique à la leur, une peur qui en vérité était la même et qu’ils se partageaient tous trois, et en laquelle ils puisaient également. Mais encore cette peur n’était rien par rapport à celle qui allait suivre, à celle plus forte qui allait lui succéder à ce moment où, Nathalie se démenant, se débattant, voulant échapper à l’emprise de l’homme, il a levé le bras et puissamment l’a laissé retomber pour que sur son visage d’enfant sa grosse patte aille frapper. Et il raconte en détails comment la main est retombée, et avec quelle puissance elle a percuté la joue, et avec quelle intensité le bruit de la gifle – mais davantage un coup qu’une gifle, et il aurait tout aussi bien pu se servir du poing, et durant une fraction de seconde Firmin l’a cru –, a résonné et s’est répercuté de façade en façade pour venir grossir en eux la terreur à laquelle la peur avait cédé place. Et il raconte comment Nathalie s’est mise à crier, à pleurer, et en renonçant subitement à toute résistance, s’est comme abandonnée aux mains de l’homme qui la secouait et déjà s’apprêtait à la frapper de nouveau...