Puis elle rit ; et avec elle, les autres rient. Et avec d’autres rires et des histoires, ils atteignent la première heure de la soirée, temps pour Christophe et Émilie de prendre congé.

Ils se lèvent de concert, comme s’ils avaient depuis longtemps prémédité ce départ ; mais Justin insiste, puis à son tour Mariette, tant et tant que Christophe et Émilie finissent par renoncer, et se rassoient, et reprennent un dernier verre que cette fois Justin leur prépare. « Vous m’en direz des nouvelles », fait-il en riant ; ça les fait tous rire, surtout Mariette dont l’excès d’aigus dans le timbre à ce moment-là indique clairement à Justin que ses sens commencent à s’aiguiser et qu’en elle des amorces d’envie s’ébrouent.

D’un verre l’autre, la soirée a passé, et durant toutes ces heures, elle n’a cessé de me regarder, faisant des froufrous de ses rires et des clins d’œil de chacun de ses gestes. Il était clair que si d’un côté elle ne voulait pas le moins du monde qu’Émilie et Christophe s’en aillent, de l’autre elle n’aspirait qu’à me retrouver. Comme moi je désirais la retrouver et ne voulais pas voir Christophe et Émilie s’en aller, et même aurais voulu que jamais ils ne quittent notre maison, comme s’ils avaient été, à leur insu et à leur corps défendant, les principes actifs de ce qui nous tenait l’un à l’autre, comme une sorte de source régénératrice, un carburant, une énergie dont leur départ aurait interrompu le cours...