En effet, ils rient toujours, et Roland, prêt à tout, en se lançant à corps perdu dans l’infime espace qui lui est concédé, avance et entame son quatrième pas.
C’est le moment décisif (après ce pas, il les aura dépassés, et pourra commencer à espérer s’en sortir). Et c’est le moment que choisit la fatalité pour se manifester. Car, à ce moment précis où Roland se glisse entre le caniveau et eux – en n’ayant pu empêcher son corps de se gauchir légèrement –, Aubin, sous l’effet du fou-rire qui l’agite, Aubin qui tourne le dos à la rue recule.
Aubin recule et percute Roland. Aubin percute Roland et sursaute. Aubin sursaute et brusquement se retourne. Aubin se retourne et comme stupéfié considère Roland, le regarde comme s’il était une apparition, tellement surpris de cette présence derrière lui qu’il ne songe même pas à l’identifier, ni même à la détailler, et ne voit donc rien de son visage livide, de ses yeux ronds de terreur, de ses mains déjà prêtes à se lever pour parer les coups. Il ne voit rien de tout cela ; ne voit qu’un homme, une silhouette d’homme, qu’il a bousculé par mégarde et auquel il dit simplement :
« Oh, excusez-moi !... »