C’est à se demander de quoi il vit, comment il vit. Et c’est ce que se demande Germain, son unique spectateur, qui plus d’une fois a passé une journée entière à surveiller sa porte depuis son balcon – d’où, le matin, il l’encourage et l’acclame –, puis quelques nuits entières, au cas où Augustin profiterait de l’obscurité pour aller faire des emplettes ; et en est arrivé à cette conclusion – puisque, en outre, aucun autre être humain n’en franchit le seuil – qu’il doit exister une sortie à l’arrière de sa maison (le relevé du cadastre qu’il s’est fait envoyer le dément formellement), ou encore un passage secret communiquant avec la maison voisine dont il sortirait grimé, ou mieux – et il frétille d’excitation à cette seule idée – un souterrain qui le conduirait dans une autre maison, située dans une autre rue, d’où il pourrait sortir à l’insu des regards et des mauvaises langues des habitants de sa propre rue...
« Un jour, je mènerai l’enquête, et je finirai bien par en avoir le cœur net... » C’est ce qu’il se promet depuis qu’il partage sa vie avec Marthe, c’est-à-dire depuis qu’il habite chez elle, c’est-à-dire depuis qu’il recherche un emploi, à savoir depuis deux ans, et, de manière plus marquante, depuis juin où il sue sang et eau sous tous les parasols des terrasses de la côte d’Azur, et présentement de Barcelone où Marthe est allée le rejoindre, impatiente de voir quel genre d’emploi il a bien pu trouver dans un pays dont il ne connaît pas un traître mot de la langue...