Il est grand et porte un pardessus crème inapproprié à la saison. C’est la première chose qui frappe Jules, avant même la présence de l’homme lui-même qu’il n’est pas encore tout à fait sûr de devoir considérer comme un client. En vérité, il n’y a pas pensé, ou n’a pas dû y penser, car c’est sans réelle surprise qu’il l’a vu pousser la porte, entrer, et s’approcher du guichet. Et c’est ce qu’il se dit : je ne suis pas surpris, alors ça ne doit pas être un client.

Cette explication le satisfait, il ne se pose pas davantage de questions et s’apprête à reprendre sa lecture sans plus se soucier de l’homme qui pourtant le regarde et attend.

Il est immobile et attend. Il attend et sourit ; et c’est ce qui, en second lieu, frappe Jules : le sourire. Aussi, il regarde aussi l’homme, et plus exactement son sourire, un sourire sans joie ni peine, sans expression particulière, mais sans neutralité non plus, et Jules pense à un mécanisme muni de deux petits bras mobiles qui, placés de part et d’autre de sa bouche, l’étireraient au niveau des commissures jusqu’à l’obtention d’une position unique qui échapperait à toute dénomination, à toute signification...