Ne manque plus que Prisca qui précisément vient d’arriver et pose le chou au milieu de la table, le chou dont elle ôte le couvercle – qui eût cru que c’en fût un ? –, répandant ainsi dans la pièce une imposante vapeur qui assure toute la maisonnée que la soupe sera exactement comme à l’accoutumée, c’est-à-dire transparente et insipide : Prisca est une effroyable cuisinière (mon dieu, quelle famille). De cette soupe, elle extrait une première louchée qu’elle offre, comme à l’accoutumée, à celui que tout le monde sait qu’il est son préféré, Paulin, Paulin qui ne dit même pas merci (mais cette fois-ci, il n’a rien remarqué, aussi on peut l’excuser), puis une deuxième, qu’elle destine au grand frère, dont malgré tout elle n’est pas peu fière, qui a besoin de forces, de calories, d’autres vitamines que celles que le soleil de là-bas s’ingénient à calciner ; puis une troisième à personne, car la louche se suspend dans l’air comme du bout du couloir retentit la sonnette de la porte d’entrée...