À sa gauche, c’est-à-dire en bout de table, il y a le grand frère en tenue de combat, tout frais rentré du Golfe, qui raconte à son père les soldats « américains » et les armadas, les puits en flammes et les moukères [sic] du coin, puis les hélicoptères à bord de l’un desquels il va monter demain matin pour se faire l’ange sauveur de massacres d’ethnies le long de frontières où se respirent encore, outre celles du sang, de la poudre et de l’horreur, quelques vapeurs de prestigieuses civilisations disparues. Paul a l’air bête. Et comme de fait, il est bête, et c’est certainement une autre des raisons pour lesquelles Alix ne l’écoute pas.

À la gauche du grand frère, c’est-à-dire en face d’Alix, se trouve Paulin. Par-dessus son épaule, il regarde la télé. L’index dans une narine qu’il cure vaillamment, il attend le moment de pouvoir quitter la table et d’aller regagner son poste à la fenêtre. Jamais il ne se lassera de ses pitreries. Tout le monde pense qu’il est un peu fou – et sans doute l’est-il vraiment –, sauf sa mère qui le destine à de hautes fonctions dont elle n’ose pas toujours clairement définir la nature.

À sa gauche, il y a la petite sœur qui n’a d’autre particularité que d’avoir constamment faim et d’être une épouvantable chipie...