On se rappellera certainement que dans l’avenue S. se trouve une entreprise désaffectée dont la cour donne sur un terrain vague qui lui-même permet l’accès au jardin en friche de la maison au numéro 8. C’est dans un bureau de cette entreprise qu’Abel réside désormais, ce depuis l’après-midi du 30 novembre où André l’a expulsé avec tout son fatras (le séjour du 8 sent bon le plâtre et la peinture, tandis que quelque part dans l’avenue proche flottent des remugles de dépit et de hareng)...
*
Ce sont ces mêmes odeurs de plâtre et de peinture que l’on retrouve dans le hall et la cage d’escalier du foyer ; s'y mêlent discrètement celles d’encens et d’ambre que les sirènes font brûler comme pour mieux dissiper la tristesse et la mélancolie qui les ont gagnées depuis que Sophie et Clotilde, à la suite de Charlotte, ont déserté les rangs. Assises en tailleur à même le sol, elles font cercle autour d’un baigneur dont le visage a été écrasé à coups de talon et le corps percé de multiples coups de coutelas. De temps à autre, Louise invoque avec flamme Honorine. Mais les filles ne réagissent guère ; le cœur n’y est pas ; comme ne réagit pas Honorine, qui se tait, est sourde, absente, peut-être envolée vers d’autres festivités et rites qui avec la bande du Carmel n’ont vraiment plus rien à voir...
*