Rosselini. J'ai lu ce livre dans la journée. Ça se lit comme toute autobiographie qui n'a pas d'autres prétentions que de dire clairement les choses. Ça se lit donc très bien. C'est assez intéressant (y a-t-il mot plus creux que celui-là ?), notamment lorsqu'il parle de l'intelligence, de la culture, de l'ouvrier – la culture et l'ouvrier –, du sort du monde et de l'homme. Bref, réflexions générales à tendance métaphysique et philosophique très pertinentes et justes. Évidemment, puisqu'elles rejoignent tout à fait ce que l'on en disait lors de notre discussion avec Casimir, qui devrait d'ailleurs lire ces pages-là, d'autant que Rosselini a eu une conscience politique, bien dirigée à gauche, preuve qu'il n'est pas dupe et qu'il a tout à fait compris ce que le commun des socialistes bien-pensants est encore bien loin d'admettre, et même d'écouter. Ça ne veut pas dire que ce qu'il dit soit parole d'Évangile (loin de là, il y a bien des détails dans ce livre qui me l'ont fait trouver déplaisant), mais je soupçonne Casimir de croire plus facilement ce qui est écrit que ce qu'on lui dit ; à moins qu'il ne soit plus obtus que je ne le pense – ceci dit sans malice ni méchanceté. Et à propos de lui, que je garde comme exemple puisque je l'ai sous la main et qu'il est un stéréotype du genre, je pense à une réflexion que je me suis faite : si l'on considère deux classes sociales en conflit, droite et gauche pour schématiser, l'une dominant l'autre parce que détentrice du pouvoir, de l'argent, de la culture, il me semble assez logique que la dominée veuille renverser et changer les valeurs de celle qui la domine.
TOUTES les valeurs y compris celle de la culture, donc d'une certaine manière de l'art qui, en tant qu'apanage de la droite, est ancrée dans le classicisme, le conservatisme... aller contre une culture conservatrice, c'est prôner l'invention, la nouveauté, le délire, la folie, le déchaînement, l'humour : bref, casser les règles et tout laisser aller. Bref applaudir à Dada, au surréalisme, à Beefheart, à Klein qui jette des pianos du troisième étage, à Varèse. Bref, saluer les fous et les désaxés, ceux qui gênent et dérangent, ne serait-ce que par simple réaction, juste pour faire chier le nanti qui va voir le Lac des cygnes en smoking. Ne serait-ce que pour cela. Eh bien, même pas. Non content de se ranger du côté de l'ennemi avec qui il va jeter des pierres, il (Casimir, l'homme de gauche) va même jusqu'à se faire plus classique, plus conservateur que l'homme de droite et adapter ce qui lui sert de goût aux conventions et aux canons les plus éculés de cette culture qu'ils sont censés abhorrer et combattre. Quelle stupidité ! Il est donc bien clair ici qu'ils n'y comprennent rien, qu'ils sont totalement dépourvus de tout sens artistique et esthétique (de tout sens tout court), dépourvu d'intelligence (celle des sens) et de sensibilité. Dépourvus d'humour. Dépourvus de tout. L'art n'est décidément pas de ce monde. Et plus que jamais, que vivent les fous !...